Troisième dimension
« Elle passe ses bras dans des bretelles qui pourraient être celles d’un parachute. Les petites jambes emmaillotées dans une combinaison intégrale en tricot sont à présent suspendues dans le vide. » Elle est arrivée dans la vie de ce couple, elle, la troisième personne, qui donne son titre au nouveau « roman » de Valérie Mréjen. Il est écrit avec les yeux d’une femme (l’écrivaine est aussi vidéaste) devenue mère, et tout, du jour au lendemain, en est autrement peuplé. Rien de plus commun que la venue au monde de l’enfant, et rien de plus singulier, aussi, quand l’écriture délicate, amusée, minutieuse et poétique s’en empare. Paris, superbement présent, défile dans le taxi qui ramène le trio nouveau à la maison, comme elle ne l’a jamais vu, parce que « quelqu’un, bientôt, va découvrir
ce paysage », et chaque décor prend la puissance inouïe d’une troisième dimension : la narratrice mère « se sent attachée à tout » et attache finement son lecteur à ses moindres observations. Qu’il s’agisse de la garde-robe du bébé, des courses dans le quartier, des nuits trop courtes, des chuchotements, des premiers pas, du jour où le petit être devient autonome, chaque scène se partage, dans un défilement d’arrêts sur image, comme si on tournait les pages vivantes d’un album photo. Le temps, le temps passe toujours trop vite, et déjà, sur la plage, l’enfant court vers son avenir en un instant qui capte le simple et sublime mouvement de la vie VALÉRIE MARIN LA MESLÉE « Troisième personne », de Valérie Mréjen (P.O.L., 144 p., 10 €).
Universel singulier. Valérie Mréjen fait sensiblement défiler l’album photo des premiers pas d’un petit d’homme.