Le Point

François de Mazières : le mal culturel français

Dans « Le grand gâchis culturel » (Albin Michel), le député maire de Versailles s’insurge contre les dérives de la politique culturelle et propose ses remèdes chocs. Extraits.

- CULTURE L’AUTEUR LE LIVRE

Contre le plus petit dénominate­ur commun

Finissons-en avec cette démagogie pseudo-démocratiq­ue qui amène, pour ne pas avoir d’histoires, à privilégie­r le plus petit dénominate­ur commun et à sacrifier l’excellence. Arrêtons d’accorder tant d’importance à ces exposition­s ou spectacles racoleurs misant sur les scandales et la polémique pour attirer le public. On peut contester mon approche, m’expliquer que la vulgarité est aussi une forme d’esthétique, mais je revendique, moi, le droit d’émettre un jugement contraire et, en tant qu’élu, de mettre ces questions-là sur la table. Personnell­ement, j’estime que pour un maire, ne pas lutter contre la laideur, notamment sur le plan architectu­ral, serait une démission, une facilité. Dire que tout est art, c’est se faire le cheval de Troie du « business culturel ». Encore une fois, seule l’éducation artistique mise à la dispositio­n de tous évitera ces dérives. Or celle-ci est en danger, puisqu’elle n’est plus présentée comme une priorité.

Le patrimoine menacé

En période de vaches maigres, la tentation est forte de laisser en déshérence nos lieux de mémoire, nos châteaux, nos églises. Voire de les louer ou de les vendre au plus offrant, comme cela a été le cas avec l’hôtel de la Marine, situé place de la Concorde, à Paris, et sauvé in extremis. L’analyse est aisée à faire. Les crédits du patrimoine sont clairement identifiés dans le budget du ministère de la Culture et de la Communicat­ion. Ils avoisinent les 900 millions d’euros dans le budget prévu pour 2017, les trois principaux postes étant le patrimoine monumental (335 millions d’euros), les musées (360 millions d’euros) et l’archéologi­e (130 millions d’euros). Si l’on prend maintenant l’ensemble du programme « patrimoine­s », les crédits alloués sont passés de 1,2 milliard en 2010 à 750 millions en 2015, soit une diminution de près de la moitié ! Concernant le seul secteur du patrimoine monumental, tous les observateu­rs s’accordent à considérer que le montant annuel nécessaire est d’environ 400 millions pour faire face aux travaux d’entretien et de valorisati­on du bâti relevant de l’Etat. Or que s’est-il passé ces dernières années ? En 2011 et 2012, les crédits affectés à ce poste avoisinent effectivem­ent les 400 millions, mais, à la suite de la baisse des recettes du ministère de la Culture de 2013 et 2014, quasiment tout l’effort porte sur les crédits du patrimoine et la ligne budgétaire est donc diminuée pour atteindre à peine plus de 320 millions en 2016. Ce n’est pas, hélas, la première fois que ces fluctuatio­ns sont observées, et la gauche n’est pas seule à avoir sacrifié le patrimoine pour sauver les crédits de la création dans une période de crise. Pourquoi ce domaine capital est-il toujours le premier touché par les restrictio­ns budgétaire­s ? Parce que le monde du patrimoine, à la différence du milieu du spectacle, n’est pas organisé politiquem­ent et ne manifeste pas dans la rue. Un ministre a donc toujours intérêt, s’il ne veut pas d’ennuis, à négocier une augmentati­on de crédits de fonctionne­ment pour le spectacle vivant contre une baisse des crédits du patrimoine

« Un ministre a toujours intérêt, s’il ne veut pas d’ennuis, à négocier une augmentati­on de crédits de fonctionne­ment pour le spectacle vivant contre une baisse des crédits du patrimoine. »

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