Le Point

Carnet monégasque 3

- Patrick Besson

Soirée de gala pour la remise des prix du 41e Festival internatio­nal du cirque de Monte-Carlo. Le prince est venu sans Charlène. Il a quand même fallu se lever quand il est entré sous le chapiteau de Fontvieill­e. Quant aux jumeaux du couple, ils sont trop petits pour regarder un dompteur – Erwin Frankello – se coucher sous un éléphant. De plus, c’est une éléphante : Sandra, 37 ans. Dans le public, il y a, comme chaque soir, Stéphanie. Brigitte de Roquemaure­l, l’attachée de presse de l’événement, me confie que la princesse assiste à toutes les répétition­s. Le festival est son bébé comme il a été celui de Rainier III à partir de sa création en 1974. Elle-même a adopté deux éléphants : Baby et Népal. Ils sont plus difficiles à nourrir que des enfants, mais ce qu’on dépense pour eux en alimentati­on, on l’économise en frais de scolarité. Le numéro de Frankello – initié à son art étrange par son père, Sonny, dompteur d’éléphants, plusieurs fois primé ici – est une merveille. Erwin en fait un autre avec des otaries, mais je suis parti avant parce que je ne voulais pas rater le dernier autobus. A Monaco, il y a un bus de nuit où se retrouvent les rares personnes qui dorment en ville et n’ont pas de Ferrari. Un conducteur affable, de nationalit­é monégasque comme presque tous les fonctionna­ires locaux, fait le tour de la principaut­é, déposant c h a q u e n o c t a mb u l e devant son domicile.

Le cirque a commencé dans la rue avant la représenta­tion. Le cirque Monaco. Vus : une femme élégante avec des béquilles et des Louboutin, un éboueur balayant un papier que j’avais subreptice­ment jeté par terre quelques secondes plus tôt, un pitbull et un caniche installés l’un sur l’autre dans une voiture d’enfant, Robert Hossein. Le peuple est arrivé en premier : il a l’habitude d’être à l’heure, sinon il se fait mal voir de son patron. Les bourgeois l’ont suivi à distance respectabl­e. Bons derniers : les invités du prince. Quand on n’a pas payé sa place, on n’est pas pressé de voir le spectacle. On préfère se faire voir au spectacle. Les gosses de riches sont comme les gosses de pauvres : les funambules leur font peur et les clowns ne les font pas rire. Le clou de la soirée : Marek Jama, le dresseur de chameaux, de zèbres et de lamas. Les animaux de cirque sont comme les enfants : tenus d’obéir. Mais, dans la contrainte, les uns et les autres conservent une grâce irréductib­le.

Beaucoup de numéros venus du Nord ou de l’Est. Dans le Sud, l’hiver n’est pas assez long pour qu’on s’amuse à exposer son corps au danger sans raison valable. Exception faite pour les acrobates colombiens. Encore que la Colombie, ce soit le nord de l’Amérique latine. La troupe Skokov de sauteuses à la balançoire russe – ainsi qu’on les a p p e l l e d a ns l e p r o - g r a mme s a n s d o u t e parce que « sauteuses russes à la balançoire » aurait prêté à confusion – s’envolent l’une derrière l’autre avec une grâce toute militaire et une précision très féminine

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Le prince Albert II (à g.) et sa soeur la princesse Stéphanie (à dr.) remettent le clown d’or aux Sky Angels, en clôture du 41e Festival internatio­nal du cirque de Monte-Carlo.

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