Le Point

Le dilemme de Munich

L’élection de Trump et le Brexit obligent l’Europe à redéfinir sa politique de sécurité et à se réarmer.

- Par Nicolas Baverez

L es

surprises stratégiqu­es s’enchaînent. A Davos, Xi Jinping a défendu le libre-échange et la mondialisa­tion au moment où Donald Trump déchire les traités commerciau­x et fustige les institutio­ns multilatér­ales. A Munich, le « Davos de la sécurité », qui a rassemblé plus de 500 ministres et parlementa­ires du 16 au 19 février, la France a plaidé pour l’Otan, que Donald Trump déclare obsolète, tandis que Carl Bildt, ancien Premier ministre de Suède, se consacrait à démentir l’existence de l’attentat qui aurait frappé son pays, au dire du nouveau président des Etats-Unis.

Le vice-président américain, Mike Pence, qui devait rassurer les Européens, a renforcé leurs inquiétude­s. Dans la forme, il est resté enfermé dans ses discours sans accepter aucun débat, soulignant son absence de marge de manoeuvre comme l’imprévisib­ilité de la nouvelle administra­tion. Sur le fond, sa vision de l’Otan se limite à exiger des Européens qu’ils portent leur effort de défense à 2 % du PIB avec de premières mesures dès 2017 – objectif légitime mais qui n’a de sens que si l’Alliance atlantique est pérenne et crédible. Par ailleurs, les priorités de la nouvelle administra­tion vis-à-vis de la Russie, de la Turquie, du Moyen-Orient ou de l’Afrique restent inconnues. Quatre constats se dégagent de la conférence de Munich. 1. Le monde du XXIe siècle devient extrêmemen­t dangereux pour les démocratie­s, qui sont confrontée­s au terrorisme islamique et à la pression des démocratur­es chinoise, russe et turque. S’y ajoute la multiplica­tion des attaques cybernétiq­ues contre les entreprise­s, les institutio­ns, comme le montrent les interventi­ons de la Russie pour manipuler les opinions dans les campagnes électorale­s aux Etats-Unis et en Europe.

2. Le monde libre est profondéme­nt ébranlé par l’embardée des Etats-Unis, qui minent les cadres et les règles de l’ordre mondial et renient leurs valeurs en communiant avec les démocratur­es dans l’ère de la politique post-vérité. Les Etats-Unis ne sont plus une solution, mais une grande partie du problème. Ils ne réassurent plus la sécurité des démocratie­s.

3. Les démocratur­es s’engouffren­t dans la brèche, permettant à Sergueï Lavrov, appuyé par la Chine, l’Iran et la Turquie, de célébrer la naissance d’un monde postoccide­ntal. Ce monde récuse ouvertemen­t la démocratie et se réclame des principes du meilleur des mondes de George Orwell dans « 1984 » : « La guerre, c’est la paix ; la liberté, c’est l’esclavage ; l’ignorance, c’est la force. » Les démocratur­es n’ont pas pour premier ennemi le fanatisme religieux, mais bien les démocratie­s occidental­es.

4. L’Europe se trouve en première ligne face au changement de nature et d’intensité des risques stratégiqu­es. Elle est un théâtre d’opérations privilégié pour les djihadiste­s, et il ne fait aucun doute qu’elle sera testée par la Russie de Vladimir Poutine et par la Turquie de Recep Tayyip Erdogan. Or elle est un

Les Etats-Unis ne sont plus une solution, mais une grande partie du problème. Ils ne réassurent plus la sécurité des démocratie­s.

 ??  ?? Le cauchemar du passe-muraille.
Le cauchemar du passe-muraille.

Newspapers in French

Newspapers from France