Le Point

Notre société est-elle encore éducatrice ?

La politique familiale est un vecteur décisif en matière d’éducation et de réussite scolaire.

- Par Jean-Michel Blanquer

La

notion d’éducation est a priori consubstan­tielle à celle de société. L’homme est un « animal social », selon Aristote. Cela signifie qu’il ne peut croître et s’élever que par l’interactio­n avec les autres. Toute société est en soi éducatrice, car son principe est de durer au-delà des individus qui la composent.

Même (surtout ?) quand on est dans des sociétés sans école, tout est mis en oeuvre pour faire passer à l’enfant ce qui a été créé et pensé avant lui pour qu’il le perpétue et le déploie. Cette fonction éducatrice, profondéme­nt collective, va de pair avec une dimension plus individuel­le. Toute éducation a aussi pour finalité de conférer plus de liberté à l’individu. Le savoir qui passe d’une personne à l’autre est une clé pour mieux comprendre, mieux choisir, mieux décider. Et c’est ainsi que se crée un équilibre entre le rapport au passé et le rapport au futur de toute éducation, entre la transmissi­on de ce qui a précédé et la projection libre vers le futur de ce qui se constitue. C’est pourquoi rien ne s’oppose plus à l’éducation que l’esprit d’immédiatet­é. La dictature de l’instant qui caractéris­e nos sociétés contempora­ines est une remise en question profonde de la nature éducatrice de nos sociétés.

L’invention de l’institutio­n scolaire moderne dans un passé récent en France et en Europe ne saurait nous faire oublier que la société dans son ensemble « fait école » au travers de la famille, de la ville ou du village, des moyens de communicat­ion. Et donc toute réflexion sur l’école doit tenir compte de cet écosystème qui favorise plus ou moins la transmissi­on des connaissan­ces et des valeurs, ainsi que la constructi­on de chaque personnali­té. C’est ce que souligne Marcel Gauchet lorsqu’il pointe que la crise de l’école est avant tout une crise de la société. Et en ce moment de campagne électorale, il est important d’identifier les facteurs qui prennent en compte ce qui est en dehors de l’école.

Un premier facteur a trait aux politiques familiales. Dès lors qu’on identifie les premières années de la vie comme décisives pour le futur de l’enfant, aucune politique publique ne peut ignorer qu’il y a une immense priorité à soutenir les familles dès la naissance de l’enfant. Par exemple, les dispositif­s de crèche sont un facteur décisif. De même, les dispositif­s de rapprochem­ent entre l’école et les parents sont des vecteurs de réussite des élèves. Un autre domaine concerne ce qui a trait aux compensati­ons des défaillanc­es familiales pour des raisons sociales ou sociétales. Une grande politique publique des internats serait une bonne illustrati­on de la volonté de maîtriser les facteurs extrascola­ires.

Plus généraleme­nt, c’est le renouveau de ce qu’on appelle la « politique culturelle » qu’il faut envisager. Car la question de la culture est in fine la question de l’éducation. C’est le premier des sujets politiques. Il dépend du gouverneme­nt, mais aussi de chaque citoyen

Marcel Gauchet pointe que la crise de l’école est avant tout une crise de la société.

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