Le Point

Agnès Verdier-Molinié : « Ne pas faire du Hollande bis »

- PROPOS RECUEILLIS PAR M. V.

Quel programme vous semble le plus adapté à l’état de la France ? Agnès Verdier-Molinié :

Les finances publiques exsangues, la croissance faible et le taux de chômage proche de 10 % imposent entre 90 et 100 milliards d’euros de baisses des dépenses, mais aussi une diminution parallèle de la fiscalité de 60 milliards d’euros à l’horizon 2022. Avec un tel plan, on rétablit notre solde budgétaire, on fait baisser le chômage et on dynamise la croissance d’ici à 2022. Mais ce ne sera même pas suffisant pour parvenir au plein-emploi ! Il ne serait atteint qu’en 2024 ou 2025. Cela donne une idée de l’ampleur de la tâche.

Un programme plus modeste serait incapable de redresser notre compétitiv­ité et de faire baisser franchemen­t le chômage ?

Cela reviendrai­t à faire du Hollande bis ! Sur la seconde partie du quinquenna­t, il a baissé un peu les impôts, mais ça n’a pas suffi à faire baisser le taux de prélèvemen­ts, qui s’est maintenu à 44,5 %, car il ne faut pas oublier tous ceux sur lesquels l’Etat n’a pas la main, comme la fiscalité locale. Proposer une baisse nette d’impôts limitée à 20 milliards d’euros, c’est-à-dire 1 point de PIB, comme le fait Macron, est insuffisan­t pour aller vers le plein-emploi. Car la compétitiv­ité de nos entreprise­s est la condition indispensa­ble pour créer de l’emploi marchand. Or cela dépend beaucoup de la fiscalité, même s’il ne faut pas

Pour le reste, leurs choix révèlent des priorités très différente­s. Fillon met pour l’instant l’accent sur la compétitiv­ité des entreprise­s plus que sur les baisses d’impôts pour les ménages. Et promet donc des allégement­s de charges sur tout l’éventail des salaires ainsi que des réductions sur les impôts pesant sur la production des entreprise­s avant même de savoir si elles ont dégagé ou non un béné-

fice. Le tout pour 25 milliards d’euros au cours du quinquenna­t. Dès 2017, ces baisses de charges devraient coûter 2 milliards d’euros, puisque le candidat de la droite veut les faire voter au plus vite, selon son entourage.

Les réductions proposées par Macron sont beaucoup plus « ciblées ». Le candidat social-libéral propose une suppressio­n totale des charges sociales des em- non plus négliger la complexité, les normes, etc.

Le programme de Fillon est celui qui va le plus loin de ce point de vue ?

Oui, il propose un peu plus de 40 milliards d’euros de baisse des prélèvemen­ts, une fois déduits les 2 points de hausse de la TVA. Comme ce que nous proposons à la Fondation iFRAP, Fillon souhaite baisser de 12,5 milliards d’euros les taxes sur la production qui pèsent sur les entreprise­s avant bénéfice. Il va dans le bon sens d’un choc fiscal favorable à l’investisse­ment dans les entreprise­s et au retour de la confiance avec la baisse proposée de la fiscalité du capital ou la suppressio­n de l’ISF.

A-t-il raison de s’attaquer aussi fort aux effectifs de la fonction publique ?

Les dépenses liées à la masse salariale publique atteignent 285 milliards d’euros, 13 % du PIB, quand les autres pays européens sont à 10 % ou 11 %. Imaginer qu’on va réussir à baisser les dépenses, même de seulement 60 milliards d’euros, comme le propose Macron, sans baisser le coût des dépenses de personnel, cela ne tient pas. Il faut aussi réorganise­r l’action publique et tailler dans toutes les strates qui assument souvent les même missions. L’enjeu est de supprimer environ 400 000 postes. Les 120 000 proposés par Macron génèrent une économie de seulement 3 milliards d’euros, c’est bien trop faible

ployeurs au niveau du smic. Un choix lié à son espoir de faire baisser rapidement le chômage plutôt que de jouer encore sur la compétitiv­ité. Les économiste­s spécialist­es de la question, comme Pierre Cahuc, ont en effet montré que les baisses de cotisation­s ne sont efficaces sur l’emploi que si elles sont concentrée­s sur les bas salaires, le niveau du smic français étant particuliè­rement élevé par rapport au salaire médian. Mais cette mesure ne répond pas à l’impératif de baisse du coût du travail qualifié, particuliè­rement élevé en France, qui incite notamment les entreprise­s à localiser leur siège social ailleurs.

Fillon promet des allégement­s de charges sur les salaires et des réductions sur les impôts pesant sur la production des entreprise­s.

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