Jacques Delpla : « Il faut indemniser les perdants des réformes »
Le Point : Quel est le programme qui vous semble le plus adapté à la situation ? Jacques Delpla :
Le programme de Macron est certes moins ambitieux, mais sera sans doute plus efficace que celui de Fillon.
Comment ça ?
Dans le programme de Fillon, il y a plein de choses positives, comme la réforme du marché du travail, celle de l’Etat, plus de concurrence. Mais il y a un point d’interrogation. Si vous baissez les dépenses de 100 milliards, ça a un effet récessif sur l’économie. La vieille idée de la droite conservatrice selon laquelle on va réformer tout en réduisant l’Etat et le déficit ne marche pas, surtout en période de récession. C’est la catastrophe de Juppé en 1995. Il faut payer pour réformer : prévoir de l’argent pour indemniser les perdants. Car toute réforme détruit d’abord les structures anciennes, la période intermédiaire est donc toujours négative pour l’activité. Fillon risque de devoir reculer devant des grèves massives.
N’affiche-t-il pas, au contraire, une détermination sans faille à réformer ?
Il a déjà commencé à reculer. Sur sa réforme de l’assurance-maladie, il a cédé. Soit vous étatisez tout en supprimant les mutuelles pour éliminer les doubles coûts de gestion, soit vous donnez la main aux mutuelles sur un panier de soins avec une obligation de s’assurer, une interdiction pour les assurances de discriminer les clients et un plafond sur le prix, comme en Suisse.
Vous dites qu’il faut payer pour réformer. Un exemple ?
Si vous flexibilisez le marché du travail, il faut aussi un volet sécurité. On peut par exemple recourir à la « clause du grand-père » : n’appliquer les contrats plus flexibles qu’aux seuls nouveaux entrants. Les gens déjà en CDI ne seraient pas concernés. Sur la fonction publique, on pourrait restreindre le statut de fonctionnaire aux missions régaliennes, comme en Europe du Nord, mais à condition d’offrir, par exemple, une prime à ceux qui perdent le statut.
Et le programme de Macron ? Il n’affiche aucun objectif budgétaire avec sa réforme des retraites !
Faire une réforme pour des raisons comptables serait une erreur. Ça ne passe jamais. Au lieu de faire un énième changement paramétrique, il faut transformer le système, qui est extrêmement inégalitaire d’une caisse à l’autre et entre public et privé. En France, à contribution égale, la retraite n’est pas égale. La solution libérale, c’est que chacun prenne sa retraite quand il le souhaite grâce à un système par points ou quelque chose de ce genre. Le montant de la pension dépend de la valeur du point de retraite, égale pour tout le monde