« Traitement hors du commun » pour la princesse saoudienne
Après l’agression d’un plombier, des magistrats s’indignent de la clémence envers la fille du roi Salmane.
Le 29 septembre, à 10 h 40, la princesse Houssa bent Salmane, 42 ans, fille unique du roi d’Arabie saoudite, était placée en garde à vue dans son 4 000 mètres carrés avenue Foch (Paris 16e). Accusée d’avoir ordonné des violences et la séquestration d’un artisan plombier parisien, elle recouvrait la liberté près d’une heure plus tard, à la demande du parquet de Paris et de sa section P12, chargée des flagrants délits. A 13 h 30, elle partait pour Londres. « Cela doit être la garde à vue la plus courte de l’histoire du 36 », ironise un officier de la 1re DPJ, chargée de l’enquête, qui dépend du 36, quai des Orfèvres, siège de la police judiciaire parisienne.
Cette étonnante mansuétude n’a pas échappé aux magistrats de la cour d’appel de Paris. Dans un des actes de procédure de ce dossier « sensible », suivi par la cellule diplomatique de l’Elysée, ils livrent un cinglant réquisitoire à destination du procureur de la République de Paris, François Molins : « Il apparaît (…) que ce dossier (…) a subi un traitement hors du commun puisque la personne au domicile de laquelle les faits dénoncés ont été commis et qui avait autorité nécessaire pour les empêcher a bénéficié d’une levée de sa garde à vue avant même qu’elle ne soit entendue par les enquêteurs. »
Le Point avait révélé qu’un plombier parisien avait déposé plainte après avoir été menacé de mort, frappé et retenu contre son gré par un garde du corps sur ordre de cette é mi n e n t e r e p r é s e n t a n t e d u royaume wahhabite. Appelant son cerbère à son « secours », Houssa bent Salmane avait surpris le plombier, portable en main, le doigt sur la fonction appareil photo. Selon elle, il lui tirait le portrait pour le revendre à la presse people. Lui assure avoir seulement mémorisé son chantier afin de remettre tout en ordre une fois sa tâche terminée. L’homme de main a alors demandé à l’artisan de présenter ses excuses à la princesse et de lui embrasser les pieds, sous la menace d’une arme de poing posée sur la tête, ce qu’il refusa de faire. Après deux mois de détention à Fresnes, l’employé à la sécurité a été remis en liberté en décembre 2016 et placé sous contrôle judiciaire. Il est mis en exa- men pour violences avec arme, séquestration, vol et menaces de mort.
Av a n t toute mesure de contrainte prise à l’encontre de la princesse, les policiers ont pris soin de s’enquérir de son statut diplomatique ainsi que de celui de sa résidence de l’avenue Foch, propriété du roi d’Arabie saoudite. Le Quai d’Orsay a rapidement répondu qu’elle ne bénéficiait d’aucune immunité diplomatique, pas plus que son hôtel particulier ne jouit de l’inviolabilité. Des fonctionnaires de l’ambassade saoudienne à Paris se sont dépêchés de livrer un passeport diplomatique ad hoc aux policiers venus perquisitionner. Mais le ministère des Affaires étrangères avait précisé que ce prestigieux sésame, contrairement aux idées reçues, ne conférait aucun privilège.
Chantage. La famille royale saoudienne n’est pas habituée à être traitée selon le droit commun. Cela n’a pas échappé aux juges de la cour d’appel : « Ce traitement d’exception a permis à l’un des auteurs potentiels d’échapper à la justice française avant même que la lumière ne soit faite sur les circonstances de commission des infractions dénoncées et alors que son témoignage était particulièrement crucial (…). De tels événements sont de nature à donner le sentiment aux personnes impliquées qu’elles sont au-dessus des lois de la Républi q ue . » Certai ns de s e s proches ont d’ailleurs laissé des messages sur le répondeur de l’artisan, lui enjoignant d’abandonner ses poursuites contre 200 000 euros. Le plombier a empoché sa facture pour travaux de 21 000 euros et souhaite que l’action judiciaire suive son cours. Pour clôturer l’instruction, il ne reste plus à la juge chargée de l’affaire qu’à entendre Houssa bent Salmane. Si elle le veut bien…
« Cela doit être la garde à vue la plus courte de l’histoire du 36. » Un officier de la police judiciaire