Exclusif : les dernières planches de Jiro Taniguchinches de Jiro Taniguchi
Disparu le 11 février, l’auteur de « Quartier lointain » travaillait sur un album. En voici les premiers dessins, jamais montrés.
Jiro Taniguchi s’est éteint à l’âge de 69 ans, le 11 février. La disparition du dessinateur a provoqué une vague d’émotion, tant l’auteur de « Quartier lointain » (écoulé à plus de 1 million d’exemplaires en France) et de « L’homme qui marche » avait su conquérir le coeur des lecteurs français – bien davantage, proportionnellement parlant, que celui des lecteurs japonais. Nul n’étant prophète en son pays, Taniguchi avait réussi le tour de force de convertir au manga de nombreux réfractaires à la bande dessinée japonaise, voire à la bande dessinée tout court, avec ses récits dans l’esprit d’Ozu, intimistes et sensibles, faits de « petits riens », comme il avait coutume de répéter.
Sa dernière oeuvre était quasi terminée et elle était destinée à un éditeur français. En effet, ainsi que l’explique Nadia Gibert, son éditrice depuis plus de quinze ans aux éditions Casterman, puis à Rue de Sèvres : « “La forêt millénaire” est un manga en couleurs, ce qui est impossible à réaliser au Japon. C’était une oeuvre prévue en trois volumes, que Taniguchi avait lui-même adaptée au sens de lecture français. » Seul le premier volume verra donc le jour : « Il s’agit de l’histoire d’un petit garçon qui habite à la ville mais dont la santé nécessite qu’il aille vivre à la campagne, chez ses grands-parents. Dans cet environnement différent, à la suite d’un pari avec d’autres enfants, il va monter au sommet d’un arbre millénaire qui se met à lui parler. Il découvre alors, avec l’aide de son grand-père, que la forêt a une âme et qu’elle recèle des secrets. » Le retour
à la nature, la transmission, le rapport aux traditions, le merveilleux, autant de thèmes partagés par Taniguchi avec le réalisateur Hayao Miyazaki (« Mon voisin Totoro », « Ponyo sur la falaise »…). Nadia Gibert, qui rencontrait régulièrement le mangaka chez lui, dans la banlieue de Tokyo, se souvient d’un homme d’une grande bienveillance, mais rendu soucieux par les événements récents au Japon : « Fukushima l’avait bouleversé. Il trouvait dérisoire de poursuivre la bande dessinée après un événement pareil, jusqu’à ce qu’il apprenne que des survivants du désastre avaient confié avoir trouvé beaucoup de réconfort dans les mangas qu’ils continuaient de lire, et qui les rattachaient à la vie. » Taniguchi était de ceux qui, pour reprendre l’expression du philosophe orientaliste Augustin Berque, « font de la nature la source de l’ordre social » . « La forêt millénaire » en est le testament vivant
« La forêt millénaire », de Jiro Taniguchi (Rue de Sèvres), à paraître en septembre.