Les villes doivent devenir intelligentes
La démondialisation et l’essor des blocs régionaux imposent de transformer les mégalopoles.
L es
coups portés par l’administration Trump au libre-échange et au multilatéralisme enterrent la société ouverte et ouvrent l’ère de la démondialisation. Mais la fragmentation de l’espace économique en blocs régionaux ne remet pas en question l’émergence de villes-monde. Quinze métropoles, sur la planète, comptent plus de 20 millions d’habitants, dont deux seulement – Tokyo et New York – appartiennent au monde développé. En 2050, 70 % de la population habitera dans des villes, dont certaines, à l’image du grand Pékin, pourraient rassembler 110 millions de personnes. La taille de ces agglomérations impose de les repenser, alors qu’elles font face aux bouleversements du XXIe siècle : vieillissement démographique, vagues migratoires, universalisation du capitalisme, économie de la connaissance, transition écologique, montée des risques sécuritaires.
La ville intelligente constitue la réponse à ces transformations. Elle comporte six grandes dimensions. L’économie, avec une croissance inclusive et respectueuse de l’environnement. La mobilité douce, avec l’intégration de transports efficaces, accessibles, abordables, sûrs et écologiques, notamment grâce à des navettes autonomes optimisant l’espace urbain – y compris les fleuves, à l’image du projet Sea Bubbles. La protection de l’environnement – vitale, car les villes génèrent 80 % des émissions de gaz à effet de serre sur 2 % de la surface de la planète –, à travers la récupération et la valorisation des déchets ainsi que la production d’énergie et l’amélioration de son efficacité. L’endiguement de l’étalement urbain, par des immeubles à énergie positive et la mixité des activités. La sécurité, à travers la prévention des risques – violences contre personnes et biens, catastrophes naturelles ou cyberattaques –, la coordination des forces publiques et privées, la résilience des organisations et des hommes. La gouvernance, enfin, en considérant le citoyen non comme un simple consommateur de services, mais comme un partenaire du développement, et en mettant à sa disposition les données lui permettant de contrôler l’action des décideurs publics.
Il n’existe pas de modèle de ville intelligente. Chaque cité doit inventer le sien en fonction de son histoire, de sa population, de ses structures économiques et sociales.
Le plus simple consiste à créer des villes nouvelles. En Corée du Sud, Songdo proposera cette année des immeubles de haute qualité environnementale et des routes et équipements munis de capteurs pour optimiser leur utilisation, anticiper et ajuster le trafic ou la consommation d’énergie. La Chine dispose d’un projet similaire à Shenzhen, qui doit servir de pilote dans la lutte contre la pollution, désormais prioritaire. Aux Etats-Unis, Babcock Ranch, en Floride, construite en lisière d’une réserve naturelle de 30 000 hectares, sera en 2017 la première ville verte.
L’enjeu principal demeure néanmoins la transformation des mégalopoles. Hongkong et Singapour, désormais quadrillées par des arbres artificiels hauts de 50 mètres et truffés de capteurs qui éclairent et récoltent l’eau de pluie, servent de laboratoires. New York et Londres rivalisent pour les rattraper. Montréal est en pointe pour la participation des citoyens, avec une boîte à idées électronique. Hambourg a reconfiguré la gestion de son port. Rio et Lagos inventent la ville émergente intelligente.
La révolution est donc lancée. Elle contribuera à redessiner l’espace mondial et à dégager une nouvelle hiérarchie
L’Europe, Londres mis à part, a pris dans ce domaine un retard qu’il lui faut absolument combler.