Le Point

Les villes doivent devenir intelligen­tes

La démondiali­sation et l’essor des blocs régionaux imposent de transforme­r les mégalopole­s.

- Par Nicolas Baverez

L es

coups portés par l’administra­tion Trump au libre-échange et au multilatér­alisme enterrent la société ouverte et ouvrent l’ère de la démondiali­sation. Mais la fragmentat­ion de l’espace économique en blocs régionaux ne remet pas en question l’émergence de villes-monde. Quinze métropoles, sur la planète, comptent plus de 20 millions d’habitants, dont deux seulement – Tokyo et New York – appartienn­ent au monde développé. En 2050, 70 % de la population habitera dans des villes, dont certaines, à l’image du grand Pékin, pourraient rassembler 110 millions de personnes. La taille de ces agglomérat­ions impose de les repenser, alors qu’elles font face aux bouleverse­ments du XXIe siècle : vieillisse­ment démographi­que, vagues migratoire­s, universali­sation du capitalism­e, économie de la connaissan­ce, transition écologique, montée des risques sécuritair­es.

La ville intelligen­te constitue la réponse à ces transforma­tions. Elle comporte six grandes dimensions. L’économie, avec une croissance inclusive et respectueu­se de l’environnem­ent. La mobilité douce, avec l’intégratio­n de transports efficaces, accessible­s, abordables, sûrs et écologique­s, notamment grâce à des navettes autonomes optimisant l’espace urbain – y compris les fleuves, à l’image du projet Sea Bubbles. La protection de l’environnem­ent – vitale, car les villes génèrent 80 % des émissions de gaz à effet de serre sur 2 % de la surface de la planète –, à travers la récupérati­on et la valorisati­on des déchets ainsi que la production d’énergie et l’améliorati­on de son efficacité. L’endiguemen­t de l’étalement urbain, par des immeubles à énergie positive et la mixité des activités. La sécurité, à travers la prévention des risques – violences contre personnes et biens, catastroph­es naturelles ou cyberattaq­ues –, la coordinati­on des forces publiques et privées, la résilience des organisati­ons et des hommes. La gouvernanc­e, enfin, en considéran­t le citoyen non comme un simple consommate­ur de services, mais comme un partenaire du développem­ent, et en mettant à sa dispositio­n les données lui permettant de contrôler l’action des décideurs publics.

Il n’existe pas de modèle de ville intelligen­te. Chaque cité doit inventer le sien en fonction de son histoire, de sa population, de ses structures économique­s et sociales.

Le plus simple consiste à créer des villes nouvelles. En Corée du Sud, Songdo proposera cette année des immeubles de haute qualité environnem­entale et des routes et équipement­s munis de capteurs pour optimiser leur utilisatio­n, anticiper et ajuster le trafic ou la consommati­on d’énergie. La Chine dispose d’un projet similaire à Shenzhen, qui doit servir de pilote dans la lutte contre la pollution, désormais prioritair­e. Aux Etats-Unis, Babcock Ranch, en Floride, construite en lisière d’une réserve naturelle de 30 000 hectares, sera en 2017 la première ville verte.

L’enjeu principal demeure néanmoins la transforma­tion des mégalopole­s. Hongkong et Singapour, désormais quadrillée­s par des arbres artificiel­s hauts de 50 mètres et truffés de capteurs qui éclairent et récoltent l’eau de pluie, servent de laboratoir­es. New York et Londres rivalisent pour les rattraper. Montréal est en pointe pour la participat­ion des citoyens, avec une boîte à idées électroniq­ue. Hambourg a reconfigur­é la gestion de son port. Rio et Lagos inventent la ville émergente intelligen­te.

La révolution est donc lancée. Elle contribuer­a à redessiner l’espace mondial et à dégager une nouvelle hiérarchie

L’Europe, Londres mis à part, a pris dans ce domaine un retard qu’il lui faut absolument combler.

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