Dans la « War Room » du Brexit
Theresa May vient de déclencher les négociations de divorce avec l’Union européenne. Enquête sur les hommes et femmes de l’ombre qui ont entamé un bras de fer avec Bruxelles.
La scène se déroule dans un salon du Department for Exiting the European Union, le ministère chargé du Brexit. Le chef de cabinet, Oliver Robbins, est soumis au feu des questions des ambassadeurs des 27 pays de l’Union européenne rassemblés pour une réunion informelle. Mais, au lieu d’expliquer les positions de son ministre de tutelle, il fait commencer chacune de ses réponses par « la Première ministre estime que… » . « Le message était clair, affirme un des ambassadeurs présents à la réunion. LeBrexitsedécideau10Downing Street et nulle part ailleurs. »
Et plus précisément dans la War Room instituée dans la résidence de la Première ministre, à l’écart du trafic de Whitehall et à proximité de St James’s Park. C’est dans cette modeste maison de brique que se trouvent tous les leviers de commande du processus de rupture entre le Royaume-Uni et l’Union européenne enclenché le 29 mars par l’activation de l’article 50 du traité de Lisbonne. Le QG de bataille est constitué de plusieurs salles de réunion situées au premier étage, à la décoration austère et au mobilier vieillot, ornées de gravures campagnardes ou de portraits d’hommes d’Etat. Le centre névralgique est le bureau adjacent de la Première ministre, un lieu impersonnel et monacal.
War Room : l’expression employée par la presse n’est pas innocente. Elle fait référence au fameux bunker de Churchill pendant la guerre, niché à quelques encablures du « numéro 10 ». Tout un symbole alors qu’en 1940, au milieu des événements déchaînés, le « Vieux Lion » n’avait rien d’autre à offrir à la nation que « du sang, du travail, des larmes et de la sueur » . Le Brexit ne sera pas une croisière sur une mer tranquille.
Un seul capitaine à la barre du Brexit et un équipage réduit vont affronter les tempêtes qui ne manqueront pas de se succéder.
L’équipe de la War Room chargée de la stratégie de négociation est dirigée par un duo de choc, Nick Timothy et Fiona Hill. Les deux codirecteurs de cabinet tiennent d’une main de fer l’accès à la Première ministre. C’est la tour de contrôle par laquelle tout doit passer : discours, nominations, missions… La paire est secrète et fuit la presse, qui lui a inventé un sobriquet, « les Raspoutine » . L’influence qu’ils exercent sur Theresa May est comparée à celle du mystique et guérisseur sur le couple impérial russe. Le troisième acteur clé est Oliver Robbins – collaborateur, entre 2010 et 2016, de Theresa May au ministère de l’Intérieur –, puissant chef de cabinetduministèreduBrexit.Quelques hauts fonctionnaires venus du ministère de l’Intérieur et des conseillers techniques complètent le dispositif.