La liste de Fry
Peu après l’armistice se crée aux EtatsUnis le Comité international de secours, un groupe d’intellectuels et d’activistes, dont le théologien Reinhold Niebuhr. Le groupe envoie en France, avec la bénédiction d’Eleanor Roosevelt, le journaliste Varian Fry pour aider artistes et intellectuels, principalement juifs, à se procurer des papiers. Fry arrive à Marseille avec une liste de 200 noms. Il doit rester un mois. Il restera un an. Fry aidera 2 000 personnes à s’échapper. a été envoyé par un groupe d’intell e c t u e l s d e Ne w Yo r k a v e c 3 000 dollars et une liste de 200 personnalités, surtout juives, à sauver. Sa mission doit durer un mois. Mais Fry est très vite assailli de milliers de demandes. Avec l’aide du viceconsul américain, il se démène pour procurer des visas de sortie et de transit, en recourant aux services d’un faussaire. Davenport lui suggère de recruter Rosenberg. « Gussie », comme elle l’a surnommé, parle un français impeccable, a une tête d’Aryen et un air « innocent ». « Je faisais beaucoup plus jeune que mon âge, ce qui est toujours le cas » , commente l’intéressé avec un sourire mutin.
Maisons closes. Le messager de Fry connaît vite Marseille comme sa poche, y compris les maisons closes, qui restent les planques les plus sûres. Un des propriétaires, en remerciement, lui propose une passe gratuite. Qu’il refuse. Ça n’empêche pas les conquêtes féminines. Par exemple, Denise. « Ah, Denise ! Elle avait beaucoup de talents ! » s’exclame-t-il l’oeil soudain guilleret. Il avoue tout de même que la mission de Fry le mettait à l’époque un peu mal à l’aise. – « Je trouvais gênant de ne sauver que des intellectuels. » Il a des souvenirs mitigés de l’Américain : « Froid, renfermé, peut-être déjà dépressif, un peu dépassé par les événements. » Quant à en faire un héros… « Il ne risquait pas grand-chose. Les Etats-Unis entretenaient des relations diplomatiques avec Vichy, il avait un passeport et pouvait partir quand il le voulait. » En revanche, pour Rosenberg, qui transporte de faux documents, le danger est réel. Surtout à partir de 1941. Vichy resserre la surveillance et le Département d’Etat, désireux de garder de bons rapports avec Pétain, se montre de plus en plus hostile à Fry. En septembre, ce dernier est expulsé. Gussie, lui, reste, faute de papiers. « Je ne voulais pas partir. Je vivais en France depuis quatre ans, c’était ma nouvelle patrie. On se sentait relativement en sécurité en 1941. » Pas pour longtemps. Il est plusieurs fois arrêté, d’abord à Foix, lorsqu’il essaie à son tour de passer en Espagne. Le juge