SUR LA PISTE ISLANDAISE L’ SL ND P R
Pourquoi, en quelques années, ce pays sans criminalité est-il devenu une fabrique à polars ? Rencontre avec Arnaldur Indridason, auteur au succès planétaire, et deux nouveaux venus sur la scène islandaise.
Indridason a laissé Erlendur, son personnage fétiche, « couché sur les hauteurs d’une falaise, au frais » (voir « Etranges rivages »). Depuis, il écrit une « Trilogie des ombres » dont le premier tome vient de paraître en France. L’histoire se passe toujours à Reykjavik, mais à une tout autre époque. « J’ai eu envie d’explorer la période de l’occupation anglaise puis américaine en Islande, une période qui a complètement changé les choses », nous conte-t-il.
Le colosse que nous rencontrons à Reykjavik dans le salon d’un hôtel alors que dehors souffle un vent à décorner les sauðkindin, moutons islandais, nous déballe, dans sa langue natale, l’arrivée de ses deux nouveaux héros en 1941, durant la Seconde Guerre mondiale. Un commissaire de police islandais pure souche et un autre Islandais, immigré du Canada – « Islandais de l’Ouest », dit le livre. Ils doivent collaborer sur une affaire de meurtre avec des autochtones, des occupants et des nazis… Une époque « passion- nante », qui bouleversera l’avenir du pays. Géopolitique d’abord. Ce caillou volcanique au climat hostile s’est subitement transformé en base stratégique pour les Alliés contre le Troisième Reich, puis en centre névralgique pour garder l’oeil sur le bloc communiste durant la guerre froide. Identitaire ensuite. « Culturellement, l’Islande s’éloigne de plus en plus de l’Europe », nous confie le romancier. A compter de l’occupation américaine, une nouvelle menace s’est profilée pour les Islandais, à peine sortis du joug danois. « L’influence américaine – qui passe de nos jours par les médias, la technologie ou la musique – est telle que le danger est réel. La langue islandaise, qui n’est parlée que par 330 000 personnes [la totalité de la population, NDLR], résistera-t-elle à cette pression ? »
Les temps changent. Pour preuve, l’Islande d’aujourd’hui, c’est celle d’Indridason, qui s’étonne du rayonnement planétaire de ses histoires locales. Ses 12 millions de livres vendus dans le monde