Lapouge, Simenon, Duras, Mme Bovary
Essais. Gilles Lapouge est un écrivain somptueux et quand, en plus, il parle d’écrivains somptueux, nous sommes subjugués. Commençons par plaindre ceux qui n’ouvriront jamais« Maupassant,lesergent Bourgogne et Marguerite Duras ». Ils ont raté un livre à garder près de soi toute sa vie. Un enchantement. C’est à la fois un éloge du livre (« Rien n’est plus robuste que ce petit truc ») et un carnet de voyages à travers la littérature. Rien de convenu chez Lapouge, dont les passions pour Giono et le Brésil sont entendues. Ce lecteur iconoclaste s’amuse même à remettre les pendules à l’heure. Parmi les points forts :
Simenon est le « romancier » absolu, car il s’impose de « raconter seulement une histoire forte, avec un début, un milieu et une fin ». C’est Colette qui l’avait adjuré de « renoncer au beau style » et lui avait conseillé la phrase nue, « éteinte » .
Duras n’aimait certes pas la vérité. Elle était aussi vaniteuse (« Il se trouve que j’ai du génie. J’y suis habituée maintenant ») . Mais c’était un écrivain considérable qui a parlé comme personne de l’amour. Ainsi ces derniers mots pour Yann Andréa : « Je ne sais plus où me mettre… Je suis devenue complètement effrayante. Je ne tiens plus ensemble. Viens vite. Je n’ai plus de bouche, plus de visage. » Dans la foulée, après avoir assassiné Edgar Poe, Lapouge réhabilite des écrivains souvent méprisés par les coteries des gensde-lettres : John Steinbeck, Guy de Maupassant ou James Agee. Un livre qui réveille, dessille et fait du bien FRANZ-OLIVIER GIESBERT
« Maupassant, le sergent Bourgogne et Marguerite Duras », de Gilles Lapouge (Albin Michel, 264 p., 22 €).