Envoyez-le à Pékin !
Les mandats présidentiels commencent souvent à l’intérieur, pour s’achever à l’extérieur. Ils débutent dans le détail réglementaire des « cent premiers jours », pour s’achever dans les visites d’Etat à l’étranger, le regard porté sur l’horizon et le temps long qu’ils n’ont déjà plus. Pourquoi ? Peut-être parce qu’ils ont déçu dans leur pays, parce que les jets d’oeufs y ont succédé aux vivats et qu’à l’inverse les hôtes étrangers, eux, restent toujours polis. François Hollande n’échappe pas à la règle. Le voilà parti en tournée en Asie pour y parler d’avenir tandis que les candidats en lice pour la présidentielle s’étripent sur les détails de l’assurance-chômage. Le futur au partant, l’immédiat aux arrivants… Désespérant. Et si on faisait l’inverse ? Dans son dernier livre (1), David Baverez, investisseur installé à Hongkong depuis cinq ans, imagine le nouveau président s’envolant pour la Chine sitôt élu. Ce dernier observerait comment l’empire du Milieu a donné naissance aux géants du numérique qui résistent le mieux à la domination de la Silicon Valley. Il comprendrait pourquoi, dans ce pays aux bientôt 200 millions de diplômés, les femmes créent 55 % des start-up… Il y recenserait aussi ses aspects inquiétants, la « Xibercratie », le pouvoir cyberaugmenté du président Xi et ses faiblesses, comme par exemple l’obésité qui menace. Armé de ces expériences, il ferait sien, dans un pragmatisme revendiqué, ce proverbe chinois : « L’arbre tordu vit sa vie, l’arbre droit finit en planches. » A Singapour, ce 27 mars, François Hollande a lancé un appel plein de bon sens contre le protectionnisme, à rebours des idées simples. Pourtant, il y a cinq ans, en entrant à l’Elysée, il n’avait jamais encore mis les pieds en Chine et nommait au ministère du « Redressement productif » Arnaud Montebourg, croisé de la démondialisation, la marinière sur les épaules et l’idéologie en bandoulière. De la politique, certes. Un arbre tordu, François Hollande ? Peut-être trop, alors, ou pas assez. Il aurait sans doute fallu, quoi qu’il en soit, commencer par voir du pays…