Le Point

Roman (V. Remizov) : du rififi dans la taïga

Victor Remizov nous entraîne au bout du monde russe, entre braconnage et vent de révolte.

- SOPHIE PUJAS

C ’est

un western du froid, au coeur de la blanche taïga. « Volia Volnaïa », premier roman du Russe Victor Remizov – écrit sur le tard, à plus de 50 ans –, est né d’un coup de foudre. Celui qui l’a saisi, étudiant en géométrie de 16 ans, quand il est venu faire un stage en Sibérie. « J’étais un garçon des villes, j’ai trouvé ce monde immense, somptueux, et terribleme­nt romantique. Un endroit pour les combats intimes et les victoires contre soi-même » , raconte-t-il.

Il deviendra journalist­e, mais gardera un lien avec ce bout du monde russe, y revenant de loin en loin. Sa vision romantique s’est un peu effritée. « C’est un lieu déprimant, avec de mauvaises routes, une assistance sociale déplorable, et pas une pompe à essence à des kilomètres ! » Il n’empêche : la taïga est bien le personnage principal (bien plus que le décor) de « Volia Volnaïa ». Remizov décrit les séductions de la vie sauvage, aux portes d’un petit village où le braconnage est roi. Le jour où la police centrale vient remettre de l’ordre dans ces pratiques, une partie des habitants s’insurge contre l’autorité. Remizov a inventé cette mécanique qui dérape, mais il s’est inspiré de personnage­s réels, des braconnier­s épris d’indépendan­ce jusqu’aux fonctionna­ires tranquille­ment corrompus. Et la réalité n’a pas tardé à rejoindre la fiction. Peu après la parution du livre, un petit village de la taïga a (involontai­rement) rejoué des scènes du roman. « Une unité spécialisé­e est arrivée de Moscou. L’hélicoptèr­e a atterri au centre du village, et elle a demandé que les oeufs de saumon et les fourrures soient sortis des maisons. On m’a dit que la police avait sûrement lu mon roman – mais je ne crois pas qu’elle lise. » Aujourd’hui, explique l’écrivain, le pouvoir se mêle moins de ce qui se passe aux confins du pays que du temps de l’URSS. La tension n’en est pas moins palpable. Le beau chant d’amour de Remizov a souvent des allures de déploratio­n. « Tout le livre est porté par le regret d’avoir un pays si beau et si riche où nous ne parvenons pas à organiser une vie digne de ce nom. »

« Volia Volnaïa », de Victor Remizov, traduit du russe par Luba Jurgenson (Belfond, 464 p., 21 €).

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En Sibérie.

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