A Barcelone, Dieu se dit Messi
Jamais une ville ne s’est autant identifiée à un footballeur. Enquête sur l’énigmatique Lionel Messi.
«A h bon ? Quelqu’un vous a dit qu’il ne jouera pas ? Vous êtes sérieux ? » Avant chaque match, une folle rumeur court parmi les dizaines de milliers de supporteurs du FC Barcelone qui se rendent au Camp Nou, le monumental stade situé au nord-ouest de la ville : et si, ce jour-là, Leo Messi ne foulait pas la pelouse ? Une fois dans les gradins, rassurés de constater que le sinistre présage ne s’est pas accompli (l’attaquant argentin est très rarement blessé), les Culés – les supporteurs du club – assistent au sempiternel rituel. « Pendant les dix premières minutes de jeu, il se contente de marcher en mastiquant un chewing-gum, raconte David, 47 ans, aficionado depuis toujours. C’est du faux dilettantisme. En réalité, il se livre à une sorte de scanner de l’équipe adverse, cherchant ses points faibles. » Inévitablement, Messi réussit ensuite un dribble génial, un but spectaculaire, une passe décisive, un déhanchement facétieux ; le Camp Nou vibre et les spectateurs crient « Me-ssi ! Me-ssi ! Messi ! » , tout en se prosternant. « Je n’ai jamais vu un champion autant acclamé que lui ! » témoigne le chevronné et respecté journaliste d’El Pais Ramon Besa.
A Barcelone, sa ville d’adoption depuis l’adolescence, Lionel Andres Messi est vénéré. Plus qu’aucun autre joueur en cent dix-huit ans d’existence du club. L’écrivain Sergi Pamies en fait foi, lui qui, depuis tout petit, n’a raté que très peu de rencontres au Camp Nou. Il a récemment publié « Confessions d’un Culé défectueux ». Ce fils d’exilé espagnol né à Paris en 1960 y raconte la relation très sentimentale qui le lie, lui et tant de Catalans – on compte environ 150 000 socios –, au FC Barcelone, le Barça. Un club mythique, un emblème pour la ville et, au-delà, pour cette « nation sans Etat » et à l’identité si singulière qu’est la Catalogne, travaillée par un séparatisme mordant – au point que l’exécutif local a promis un référendum d’autodétermination en septembre, déchaînant l’ire de Madrid. « Mes que un club » (davantage qu’un club), proclame la devise, peinte en lettres jaunes géantes sur les tribunes du stade. Pour Pamies, cette prestigieuse institution est inséparable des exploits