L’étrange campagne de Marine Le Pen
Elle est au plus haut dans les sondages et reçue par des chefs d’Etat. Et pourtant…
Mardi 8 novembre 2016. Donald Trump est élu ; le monde bascule. Pour la première fois, Marine Le Pen se met vraiment à y croire. Le Brexit la renforce un peu plus dans sa conviction. Elle est désormais certaine que sa candidature est portée par un tsunami populiste mondial. En privé, elle se met à évoquer les conséquences de son élection sur les cours de la Bourse et à parler de la composition de son futur gouvernement. La présidente du FN fait même courir le bruit que Florian Philippot ne sera pas forcément son Premier ministre, car « il ne sait pas travailler en équipe » . Pas superstitieuse, elle va jusqu’à nommer son siège de campagne l’Escale, parce qu’il n’est qu’une simple « étape » avant son déménagement à l’Elysée, dont il est tout proche. Et organise dans les très chics Salons Hoche, près de l’Arc de triomphe, des « conférences présidentielles » où elle décline, grandiloquente, sa vision du monde face à des diplomates étrangers, des cadres frontistes et des journalistes. La presse du monde entier a les yeux rivés sur elle.
Elle a de quoi être sûre d’elle. Elle a amené le vieux parti lepéniste vers des cieux inattendus depuis qu’elle en a pris la tête en 2011. Sa 3e place avec 18 % des voix en 2012 était déjà historique. Surfant sur le « dégagisme », le FN s’est installé durablement dans le paysage politique français et dépasse le simple vote de protestation. Comme Alain Juppé avant la primaire, elle apparaît au second tour de la présidentielle dans tous les cas de figure. Pour cette deuxième candidature, elle fédère la base d’électeurs la plus solide de tous les candidats. Donnée en tête du premier tour depuis deux ans, mais systématiquement battue au second, elle est prête à aller chercher de nouveaux électeurs « le couteau entre les dents » .
Accrocs. Sauf qu’à moins de dix jours du premier tour la campagne de la candidate patine. Les écarts avec ses concurrents se resserrent. Ses affaires judiciaires – si elles ne l’ont pas trop gênée – l’empêchent tout de même d’apparaître tête haute et mains propres. La défaite de son allié hollandais Geert Wilders relativise l’« effet Trump ». Marine Le Pen s’essouffle. Elle n’aime pas les longues campagnes. C’est une cogneuse, pas une marathonienne.
De l’aveu de son entourage, elle est « tendue » , « fatiguée » , « nerveuse » depuis quelques semaines. Cette fébrilité génère un premier accroc en février, à Nantes, quand la candidate de « la France apaisée » menace de représailles les fonctionnaires et les magistrats après avoir refusé de répondre aux convocations des enquêteurs dans l’affaire des emplois présumés fictifs des assistants parlementaires européens. Cette semaine, la remise en question de la responsabilité de « la France » dans la rafle du Vél’d’Hiv apparaît comme une maladresse d’une tout autre envergure. Fidèle au dogme frontiste du « refus de la repentance » , la patronne du FN a déclaré que ce triste épisode de notre histoire n’était pas imputable au pays, mais à « ceux qui étaient au pouvoir à l’époque » . Marine Le Pen a dépensé trop d’énergie a dédiaboliser son parti pour être soupçonnable d’avoir sciemment voulu créer une polémique sur cette question. Elle