Le Point

La chronique de Patrick Besson

- Patrick Besson

Au numéro 24 de la rue Saint-Lazare, Eric Fottorino et Laurent Greilsamer, les fondateurs de l’hebdomadai­re plié en huit Le , pendent la crémaillèr­e dans leurs nouveaux locaux. Leur prospérité fait plaisir à voir alors que la presse papier souffre à cause d’Internet. Les kiosques à journaux ferment les uns après les autres. Celui qui faisait l’angle de l’avenue d’Italie et de la rue Vandrezann­e (Paris 13e) a même disparu. La librairie de la rue Damrémont (Paris 18e) où j’achète L’Equipe chaque matin pour avoir des nouvelles de mes clubs de foot préférés (PSG, ASM, Red Star), est en vente. Quand j’ouvre un journal dans un wagon de métro ou à une terrasse de café, j’ai l’impression de faire une chose incongrue et même un peu déplacée comme marcher dans une église la braguette ouverte. Dans les films contempora­ins, personne ne lit un quotidien, alors que, dans ceux de Godard, Truffaut et Rohmer, les protagonis­tes ne font que ça. Le New York Herald Tribune de Jean Seberg, dans « A bout de souffle », a l’air d’une pièce de musée, comme le maillot blanc de l’actrice.

Plusieurs Besson dans la liste des invités. Ça m’aurait étonné. Années 2000 : la multiplica­tion des Besson. Il y en a même un chez Macron : Philippe. Bientôt ministre de la Culture comme Maurice Druon ou ambassadeu­r de France en Autriche comme François-Régis Bastide ? Qu’est devenu Eric, le Besson qu’il y avait chez Sarko ? Le Louis qui a fait la loi sur le logement, je crois me souvenir que c’était un socialiste. Dans la liste du , il y avait un Henri Besson dont je me demande dans quoi on va le retrouver. J’espère que ce n’est pas dans les arts : on est déjà beaucoup. Labro, derrière moi dans la file, a plus de chance : il n’y a qu’un Labro. Je me souviens de la première phrase de son premier roman : « Une salope n’est pas forcément une putain. » Ou était-ce : « Une putain n’est pas forcément une salope » ? Les deux phrases me paraissent justes.

J’aime arriver au commenceme­nt d’un cocktail, c’est plus facile pour accéder au buffet. Et aux hôtes. Après avoir salué Eric et Laurent, direction champagne. Mais beaucoup d’autres invités ont eu la même idée que moi : être les premiers au . Il m’a fallu, du coup, patienter pour obtenir ma première coupe. J’en ai profité pour croiser plusieurs personnes de qualité : l’éditrice Karina Hocine, l’historienn­e Dominique Missika, la productric­e Fabienne Servan-Schreiber, le journalist­e littéraire Mohammed Aïssaoui, l’éditeur Olivier Nora, accompagné de la romancière Anne Akrich (« Il faut se méfier des hommes nus », chez Julliard). Morgan Sportès parle encore plus fort qu’avant son prix Interallié (« Tout, tout de suite », chez Fayard). Retrouvail­les avec Aude Lancelin depuis son prix Renaudot essai. Cet air étrange qu’ont les terroriste­s dans les soirées mondaines : semblent toujours se demander où ils ont laissé leur bombe. Vestiaire ou WC ? Je retrouve Anne-Sophie Stefanini (« Nos années rouges », chez Gallimard) en c o nv er s a t i o n av e c Ol iv i e r Weber, dont je déniche au marché du square Brassens (Paris 15e), quelques jours plus tard, la superbe biographie de Lucien Bodard (chez Grasset, 1997). Lucien avait un million de lecteurs à France Soir. Alors que les Français étaient deux fois moins nombreux

« Quand j’ouvre un journal dans le métro ou à une terrasse de café, j’ai l’impression de faire une chose incongrue et même un peu déplacée comme marcher dans une église la braguette ouverte. »

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Catherine Deneuve dans les années 1960, à Saint-Tropez.

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