Le néodarwinisme contre l’évolution
Il faut en finir avec le despotisme darwinien et toutes les théories qui prétendent s’en inspirer.
Le
darwinisme est devenu un mythe tellement puissant qu’il perdure aujourd’hui, causant du tort à nos sociétés. Comme le dit Paul Feyerabend, « le néodarwinisme est défendu au nom de l’énorme succès du point de vue orthodoxe, alors qu’en fait c’est un obstacle à l’examen approfondi de ce succès » (1). Le darwinisme est cohérent avec l’idée protestante de prédestination – des hommes et des peuples – qui a marqué l’époque coloniale et qui est ridiculisée quotidiennement par l’histoire contemporaine. Au nom de ses concepts approximatifs et d’ailleurs mal compris, il em- pêche nos sociétés d’évoluer. En effet, l’hypothèse majeure de Darwin pour expliquer les changements, tirée de ses observations chez les êtres vivants visibles, est fondée sur l’existence de modifications internes des êtres vivants précédant leur arrivée dans un écosystème donné, où ils sont ensuite triés par la sélection naturelle. Le néodarwinisme a intégré cette hypothèse en y mêlant la génétique, censée représenter l’essentiel de nos capacités à vivre dans un monde donné. Bien évidemment, tout cela est faux. La grande révolution génétique actuelle consiste justement à reconnaître l’existence de mécanismes adaptatifs différents chez des êtres vivants ayant pourtant le même potentiel génétique. Bien sûr, la génétique détermine d’avance un certain nombre de caractéristiques de l’individu, mais différents mécanismes (seulement partiellement reconnus) jouent un rôle adaptatif essentiel. L’exemple le plus spectaculaire est celui de nos cellules. Si elles possèdent toutes le même ADN, elles s’expriment différemment dans chacun de nos organes. Dans certains cas, ces adaptations se transmettent de génération en génération.
La vulgarisation et la généralisation de l’idée darwinienne selon laquelle gènes et ADN décident de tout mènent à avoir des réflexions sociales, racistes ou historiques totalement délirantes. Les phrases telles que « la France a ceci ou cela dans son ADN » relèvent du fantasme rationaliste postdarwinien, laissant penser que spontanément nous n’avons pas la capacité de nous adapter ou de faire face à la réalité, qui est mouvante. Ce qui nous empêche de faire l’effort de trouver les moyens de nous adapter à des situations complexes, changeantes et parfois chaotiques, n’en déplaise à Darwin, qui disait que « la nature ne fait pas de saut » et niait l’existence de phénomènes chaotiques. Il est grand temps de réhabiliter les capacités adaptatives des sociétés, des humains et des êtres vivants, et d’arrêter de croire que l’on vient au monde avec le potentiel inné de réussir, ou d’échouer, à survivre dans le monde que nous rencontrerons et qui sera différent de celui dans lequel nous sommes nés
1. « Contre la méthode. Esquisse d’une théorie anarchiste de la connaissance », de Paul Feyerabend (1988, Seuil, « Points sciences », 352 p., 9,50 €).
L’idée selon laquelle gènes et ADN décident de tout mènent à des réflexions totalement délirantes.