Finance participative La prudence est de mise
Les plateformes affichent des rendements élevés. Mais la réalité serait moins glorieuse.
C’est un véritable pavé dans la mare que vient de lancer l’UFC-Que choisir à propos du crowdlending, c’est-à-dire le prêt d’argent aux entreprises via des particuliers réunis dans les plateformes de financement participatif. D’ après cette fédération d’associations de consommateurs, « les rendements que peuvent en attendre les consommateurs sont bien plus faibles que communiqué, avec un risque significatif de perte en capital » . De quoi calmer l’enthousiasme des investisseurs, qui voient dans cette pratique un moyen de donner un coup de fouet à leurs investissements, avec un niveau de risque qui paraît souvent très faible. Il faut dire que les rendements mis en avant par les plateformes sont souvent très importants, de l’ordre de 6 à 7 % par an ; soit un niveau exceptionnel dans un environnement de taux bas.
L’UFC se livre donc d’abord à une remise en perspective de ces rendements. « Nos travaux montrent que le rendement final, une fois les défauts et la fiscalité déduits, s’établit entre 0,33 et 1,60 % », indique Matthieu Robin, auteur de l’étude. Selon lui, les taux de défaut des emprunteurs indiqués par les plateformes ne correspondent pas à la réalité. « Sur 1 200 projets financés par les principales plateformes depuis leur lancement, l’étude des défauts constatés sur les prêts financés depuis au moins un an laisse apparaître un taux de défaut de 11,2 % », indique Matthieu Robin, soit un taux sans
rapport avec les 1 à 2 % que font miroiter les plateformes. Pour appuyer son jugement, l’UFC indique que 10 % des entreprises financées ne publient par leurs comptes et que 42 % d’entre elles ne remboursaient pas leur prêt à fin décembre. Un investisseur qui aurait concentré sa mise sur un petit nombre de ces sociétés en difficulté risque au mieux de voir ses gains rognés, au pire de perdre toute sa mise.
La charge de l’UFC ne s’arrête pas là : « Les entreprises qui font appel au financement participatif sont celles qui ne parviennent pas à emprunter auprès des réseaux bancaires traditionnels. Ce sont souvent des TPE qui ont un taux de défaut supérieur à celui des PME. Leur situation sera rendue encore plus difficile par le coût du crédit, bien supérieur à un prêt bancaire » , expose Matthieu Robin.
Dans son viseur, également, des lacunes sur le profilage des clients et, surtout, un mode de financement inadéquat : « Les plateformes se rémunérant sur les montants prêtés, elles ont intérêt à ne pas trop se montrer regardantes sur la sélection des dossiers. La sélection n’est donc pas un gage de qualité » , estime l’auteur.
Transparence. Si l’UFC appelle les autorités à une plus grande vigilance, elle remarque heureusement des pratiques plus vertueuses de certaines plateformes, qui communiquent sur des taux de défaut plus réalistes et font preuve d’une bonne transparence. D’où ce conseil final : « Le prêt aux entreprises devrait être réservé à des investisseurs avertis, capables d’appréhender par eux-mêmes les qualités et les défauts d’un dossier. Ce n’est pas une solution pour des épargnants à la recherche d’un placement sécurisé. » Ce brûlot a valu à l’UFC une réponse offusquée de plusieurs plateformes de financement participatif, qui critiquent la méthode de l’association et pointent son manque de connaissance du secteur. Mais toutes les critiques ne sont pas rejetées : « Il est vrai que certaines sociétés communiquent un peu trop sur les rendements et pas assez sur les risques encourus », reconnaît Jérémie Benmoussa, directeur général de Fundimmo. Tout est dit…
« Le prêt aux entreprises devrait être réservé à des investisseurs avertis. » Matthieu Robin, UFC-Que choisir