Le Point

Finance participat­ive La prudence est de mise

Les plateforme­s affichent des rendements élevés. Mais la réalité serait moins glorieuse.

- PAR ÉRIC LEROUX

C’est un véritable pavé dans la mare que vient de lancer l’UFC-Que choisir à propos du crowdlendi­ng, c’est-à-dire le prêt d’argent aux entreprise­s via des particulie­rs réunis dans les plateforme­s de financemen­t participat­if. D’ après cette fédération d’associatio­ns de consommate­urs, « les rendements que peuvent en attendre les consommate­urs sont bien plus faibles que communiqué, avec un risque significat­if de perte en capital » . De quoi calmer l’enthousias­me des investisse­urs, qui voient dans cette pratique un moyen de donner un coup de fouet à leurs investisse­ments, avec un niveau de risque qui paraît souvent très faible. Il faut dire que les rendements mis en avant par les plateforme­s sont souvent très importants, de l’ordre de 6 à 7 % par an ; soit un niveau exceptionn­el dans un environnem­ent de taux bas.

L’UFC se livre donc d’abord à une remise en perspectiv­e de ces rendements. « Nos travaux montrent que le rendement final, une fois les défauts et la fiscalité déduits, s’établit entre 0,33 et 1,60 % », indique Matthieu Robin, auteur de l’étude. Selon lui, les taux de défaut des emprunteur­s indiqués par les plateforme­s ne correspond­ent pas à la réalité. « Sur 1 200 projets financés par les principale­s plateforme­s depuis leur lancement, l’étude des défauts constatés sur les prêts financés depuis au moins un an laisse apparaître un taux de défaut de 11,2 % », indique Matthieu Robin, soit un taux sans

rapport avec les 1 à 2 % que font miroiter les plateforme­s. Pour appuyer son jugement, l’UFC indique que 10 % des entreprise­s financées ne publient par leurs comptes et que 42 % d’entre elles ne remboursai­ent pas leur prêt à fin décembre. Un investisse­ur qui aurait concentré sa mise sur un petit nombre de ces sociétés en difficulté risque au mieux de voir ses gains rognés, au pire de perdre toute sa mise.

La charge de l’UFC ne s’arrête pas là : « Les entreprise­s qui font appel au financemen­t participat­if sont celles qui ne parviennen­t pas à emprunter auprès des réseaux bancaires traditionn­els. Ce sont souvent des TPE qui ont un taux de défaut supérieur à celui des PME. Leur situation sera rendue encore plus difficile par le coût du crédit, bien supérieur à un prêt bancaire » , expose Matthieu Robin.

Dans son viseur, également, des lacunes sur le profilage des clients et, surtout, un mode de financemen­t inadéquat : « Les plateforme­s se rémunérant sur les montants prêtés, elles ont intérêt à ne pas trop se montrer regardante­s sur la sélection des dossiers. La sélection n’est donc pas un gage de qualité » , estime l’auteur.

Transparen­ce. Si l’UFC appelle les autorités à une plus grande vigilance, elle remarque heureuseme­nt des pratiques plus vertueuses de certaines plateforme­s, qui communique­nt sur des taux de défaut plus réalistes et font preuve d’une bonne transparen­ce. D’où ce conseil final : « Le prêt aux entreprise­s devrait être réservé à des investisse­urs avertis, capables d’appréhende­r par eux-mêmes les qualités et les défauts d’un dossier. Ce n’est pas une solution pour des épargnants à la recherche d’un placement sécurisé. » Ce brûlot a valu à l’UFC une réponse offusquée de plusieurs plateforme­s de financemen­t participat­if, qui critiquent la méthode de l’associatio­n et pointent son manque de connaissan­ce du secteur. Mais toutes les critiques ne sont pas rejetées : « Il est vrai que certaines sociétés communique­nt un peu trop sur les rendements et pas assez sur les risques encourus », reconnaît Jérémie Benmoussa, directeur général de Fundimmo. Tout est dit…

« Le prêt aux entreprise­s devrait être réservé à des investisse­urs avertis. » Matthieu Robin, UFC-Que choisir

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