Epargne salariale Prenez les bonnes options
Avec 117 milliards d’euros accumulés, l’épargne salariale compte de plus en plus dans le patrimoine des salariés. De quoi y porter davantage d’attention.
La saison du versement aux salariés des primes de participation et d’intéressement aux salariés commence et, comme chaque année, bien des bénéficiaires risquent de rester dans l’expectative sur les bonnes décisions à prendre. Voici quelques éléments pour y voir plus clair. 1. Faut-il investir ou toucher tout de suite ? Deux options s’ouvrent à vous si vous recevez une prime de participation (obligatoire dans les entreprises de plus de 50 salariés) ou d’intéressement. Vous pouvez soit demander à la percevoir immédiatement, soit l’orienter vers un plan d’épargne où elle sera investie pour cinq ans au moins (voir encadré). Fiscalement, ce n’est pas du
tout la même chanson : si vous touchez immédiatement ces primes, elles seront pleinement imposables avec vos autres revenus, alors que si vous les bloquez dans le plan, elles échapperont à tout prélèvement (autre que les CSG et CRDS). Ainsi, sauf si vous n’êtes pas imposable, vous avez tout intérêt à investir vos primes dans les fonds d’investissement proposés par le plan. Et cela d’autant plus que cet investissement déclenche souvent un « abondement » de l’entreprise, qui majore immédiatement les montants investis. Cerise sur le gâteau, les gains financiers enregistrés par les fonds, s’ils sont au rendez-vous, seront eux aussi exonérés d’impôts.
2. Verser dans le PEE ou le Perco ? C’est une question d’autant plus importante que vous êtes jeune. En effet, les sommes dirigées vers le plan d’épargne entreprise (PEE) sont bloquées pendant cinq ans au moins, alors que celles dirigées vers le plan d’épargne pour la retraite collectif (Perco) ne seront disponibles que lors du départ à la retraite. Pour un salarié de 30 ans, cela signifie qu’il ne pourra pas toucher à son argent avant trente-deux ans au moins. C’est long… Et cela peut être gênant, car il existe paradoxalement moins de portes de sortie dans le Perco que dans le PEE (voir encadré p. 112). C’est pourquoi l’investissement dans le Perco ne se conçoit que s’il est fortement encouragé par l’entreprise, c’est-à-dire si elle l’accompagne d’un abondement beaucoup plus significatif que celui prévu pour le PEE. A défaut d’une telle « carotte », ou si elle est insuffisante, mieux vaut conserver votre liberté et opter pour le PEE. Quitte à y laisser votre épargne jusqu’à la retraite, et même après, si le plan renferme des fonds performants et adaptés à vos besoins.
3. Gestion pilotée ou individuelle ? Au moment d’investir votre épargne, vous pouvez soit choisir vous-même les supports d’investissement parmi la gamme qui vous est proposée, soit confier les manettes à un gérant dans le cadre d’une gestion pilotée, de plus en plus répandue, en particulier dans le Perco. « La gestion pilotée, c’est un peu l’épargne pour les nuls, résume Hubert Clerbois, directeur d’EPS Partenaires, une société de conseil aux entreprises. Les salariés qui ne sont pas rompus à la gestion financière y trouvent une voie facile pour diversifier leur épargne et l’investir en rapport avec la durée d’immobilisation. » Schématiquement, l’épargne des plus jeunes est investie majoritairement en actions, puis, au fur et à mesure, les capitaux sont sécurisés afin d’être à l’abri de tout risque au moment de la retraite.
Si la gestion pilotée offre la diversification en toute simplicité, elle renferme aussi un autre atout : elle peut s’appuyer sur bien plus d’instruments financiers que ceux offerts pour la gestion individuelle. Les performances sont-elles au rendez-vous ? « C’est difficile de juger, car beaucoup de ces mécanismes sont récents », observe Hubert Clerbois.
Côté gestion individuelle, vous serez libre de placer votre argent comme bon vous semble, mais les choix sont souvent très réduits (un fonds monétaire, un fonds obligataire, un fonds actions, un fonds diversifié) et ne permettent pas toujours de mettre en place une gestion très pointue. Les performances moyennes des fonds d’épargne salariale sont en revanche à la hauteur et comparables à celles des sicav classiques de même catégorie (voir tableau).
Si vous choisissez la gestion pilotée retraite, n’oubliez pas de piloter aussi la date de récupération de votre capital. Vos capitaux seront en effet entièrement
sécurisés – donc sans rendement – lorsque vous aurez 62 ans. Si vous comptez prendre votre retraite plus tard, ajustez la date de départ pour ne pas laisser votre argent faire du surplace pendant plusieurs années. A l’opposé, si vous prévoyez de récupérer cet argent avant la retraite pour acheter un logement, mieux vaut choisir une date de sortie plus précoce… ou tout simplement oublier la gestion pilotée, puisqu’elle sera fortement investie en actions dès l’origine, ce qui est peu compatible avec un projet immobilier à moyen terme.
4. Conserver le PEE ou sortir après cinq ans ? Toutes les sommes investies dans le plan d’épargne entreprise sont immobilisées pendant cinq ans, puis elles deviennent disponibles dans les meilleures conditions fiscales. Rien n’oblige à les retirer à ce moment-là : elles peuvent y rester investies sans limite de durée. Ce n’est cependant pas toujours une bonne option, car tout dépend de la variété et de la qualité des supports d’investissement qui vous sont proposés.
Si votre PEE est assez ouvert pour s’adapter à vos objectifs de gestion et que les fonds sont de bonne qualité (comparez-les à la moyenne des sicav de même catégorie pour les juger), il est souvent plus intéressant de les laisser dans le PEE, car les frais sont moindres que dans un placement classique et la fiscalité y est plus avantageuse. En revanche, si vous êtes à l’étroit dans les supports financiers ou si leurs résultats ne sont pas à la hauteur, il est préférable de récupérer votre argent dès qu’il devient disponible et de l’investir dans un placement individuel que vous aurez vous-même choisi.
5. Perco, sortir en rente ou en capital ? Arrivé à l’âge de la retraite, trois solutions s’ouvrent avec le Perco : laisser les capitaux investis et opérer des retraits partiels au fil des besoins, récupérer l’épargne accumulée en une seule fois ou transformer le capital en rente viagère, c’est-àdire en un revenu versé à vie.
Dans l’optique de la retraite, la solution de la rente peut être tentante pour sécuriser ses vieux jours, mais c’est la plus pénalisée fiscalement, puisque les revenus perçus s’ajouteront pour 40 % de leur montant à vos autres revenus imposables. Pour 100 euros de rente encaissée, un rentier imposé à 30 % paiera ainsi 12 euros d’impôts et 6,20 euros de prélèvements sociaux, soit 18,2 % de charges (la facture est un peu plus légère si la rente démarre après 70 ans). En comparaison, la sortie en capital est plus favorable : les gains retirés échappent totalement à l’impôt et ne supportent « que » les prélèvements sociaux de 15,5 %. Sur ce point, la sortie en capital l’emporte donc largement sur la rente. La rente souffre d’un autre défaut : elle est peu généreuse. A 65 ans, n’espérez pas recevoir une rente annuelle supérieure à 3,6 % environ du capital disponible, soit 3 600 euros par an pour 100 000 euros. Et en cas de décès précoce, les sommes non reçues sont perdues pour les héritiers, sauf à souscrire des garanties qui réduisent encore le revenu.
A moins de parier sur une longévité record et de disposer d’un Perco avec des montants très significatifs, la rente peut donc être oubliée