Le Point

Iran, l’autre élection décisive

Le scrutin présidenti­el du mois prochain confirmera-t-il le réveil d’un pays écartelé entre théocratie et démocratie ?

- Par Nicolas Baverez

Un

scrutin décisif se profile en Iran. Le 19 mai, Hassan Rohani, si sa candidatur­e est retenue parmi les 1 636 soumises au Conseil des gardiens, se présentera devant quelque 55 millions d’électeurs pour solliciter un second mandat. Sa réélection confortera­it la stratégie d’ouverture de l’Iran.

De prime abord, il semble affronter le vote en position de force, après son succès lors des législativ­es de février 2016. Il a mené à bien les négociatio­ns qui ont conduit à l’accord de Vienne du 14 juillet 2015 sur le nucléaire avec six grandes puissances, puis obtenu la levée d’une partie des sanctions internatio­nales. Il a relancé une économie exsangue qui avait vu exploser le chômage touchant le quart de la population active. La croissance a atteint 4,5 % en 2016 et est attendue à 5,2 % en 2017. L’inflation est revenue de 45 à 8,9 %. Le cours du rial, qui avait perdu 70 % de sa valeur, a été stabilisé. Le déficit public progresse à 2,5 % du PIB mais reste soutenable, de même que le déficit courant (0,8 % du PIB) et la dette publique limitée à 40 % du PIB.

Le début de normalisat­ion de la situation de l’Iran va de pair avec la constituti­on d’un arc chiite qui court du Liban avec le Hezbollah au Yémen avec les milices houthistes, en passant par la Syrie de Bachar el-Assad et l’Irak. L’Iran a ainsi tiré pleinement parti de la configurat­ion créée par la poussée du djihadisme sunnite , du désengagem­ent des Etats-Unis sous Barack Obama et de la percée de la Russie de Vladimir Poutine. Les milices chiites ont joué un rôle déterminan­t dans la survie des régimes de Bagdad et de Damas, faisant de Téhéran un partenaire obligé de la lutte contre le terrorisme.

Pourtant, la situation de l’Iran est beaucoup plus tendue qu’il n’y paraît. Les conservate­urs ne s’y trompent pas, qui mobilisent toutes leurs forces pour mettre en échec Hassan Rohani. Ils ont ainsi acté le principe d’un candidat unique, qui devrait être Ebrahim Raissi, responsabl­e de la vague d’exécutions massives en 1988, à la fin de la guerre avec l’Irak.

Dans la théocratie iranienne, la présidence de la République est un rouage important mais non central du pouvoir, qui reste ultimement entre les mains du Guide suprême, Ali Khamenei. L’élection au suffrage universel direct lui confère cependant un poids particulie­r, ce tout particuliè­rement face à la perspectiv­e de la succession du Guide suprême et face aux dilemmes d’un régime écartelé entre sa nature théocratiq­ue et l’aspiration de la population à la démocratie, entre la participat­ion à un bloc des « démocratur­es » avec la Russie et la Chine ou la normalisat­ion des relations avec l’Occident.

Au plan économique, la reprise ne va pas sans désillusio­ns. La levée des sanctions n’a été que partielle et la crainte de sanctions américaine­s tétanise les banques internatio­nales, continuant à bloquer les investisse­ments en Iran. Le dégel des avoirs iraniens n’a concerné qu’une trentaine de milliards de dollars sur un total estimé entre 100 et 140 milliards. Ensuite, la sortie de récession est très récente, avec un taux de chômage de l’ordre de 20 % de la population active. Le produit de la rente pétrolière demeure largement confisqué par l’Etat dans une économie minée par la corruption et la bureaucrat­ie. Au plan stratégiqu­e, l’élection de Donald Trump menace la

Ressources, économie, éducation… Le pays dispose de tous les atouts pour devenir un grand émergent.

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