Le Point

Le jeune homme pressé et le « thumos »

- PAR SÉBASTIEN LE FOL

Non, l’Histoire n’est pas finie. Le « thumos », cette partie de l’âme où, selon les Grecs, se nichent colère et révolte, se déverse dans les démocratie­s occidental­es. Nous assistons à cette « revanche des passions » si bien analysée par Pierre Hassner*. La révolution des moyens de communicat­ion l’exacerbe en « ressuscita­nt la vieille division de l’humanité entre nomades et sédentaire­s ». Le fossé se creuse entre les heureux et les damnés de la mondialisa­tion. Le second tour de la présidenti­elle française témoigne de cette fracture dans notre civilisati­on. Pour Emmanuel Macron, le défi est colossal. Le candidat d’En Marche ! a compris le rôle déterminan­t des émotions dans la vie politique. Il en use, en abuse. C’est son point fort, mais aussi son talon d’Achille. Sa « modération passionnée » lui a permis de ringardise­r les partis de gouverneme­nt. Mais, comme l’écrit Hassner, « l’humanité ne vit pas que de liberté et d’universali­té (…) Les aspiration­s qui ont conduit au nationalis­me et au socialisme, la recherche de la communauté et de l’identité, et la recherche de l’égalité et de la solidarité reparaîtro­nt toujours, comme elles le font déjà ». C’est seulement si l’on parvient à concilier ces aspiration­s à la fois avec la liberté individuel­le et l’interdépen­dance de la planète que l’on pourra empêcher le déchaîneme­nt des passions tristes. Macron sera-t-il ce Sisyphe défiant Thanatos ? La France s’en remet pour le moment à sa personne

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