Le jeune homme pressé et le « thumos »
Non, l’Histoire n’est pas finie. Le « thumos », cette partie de l’âme où, selon les Grecs, se nichent colère et révolte, se déverse dans les démocraties occidentales. Nous assistons à cette « revanche des passions » si bien analysée par Pierre Hassner*. La révolution des moyens de communication l’exacerbe en « ressuscitant la vieille division de l’humanité entre nomades et sédentaires ». Le fossé se creuse entre les heureux et les damnés de la mondialisation. Le second tour de la présidentielle française témoigne de cette fracture dans notre civilisation. Pour Emmanuel Macron, le défi est colossal. Le candidat d’En Marche ! a compris le rôle déterminant des émotions dans la vie politique. Il en use, en abuse. C’est son point fort, mais aussi son talon d’Achille. Sa « modération passionnée » lui a permis de ringardiser les partis de gouvernement. Mais, comme l’écrit Hassner, « l’humanité ne vit pas que de liberté et d’universalité (…) Les aspirations qui ont conduit au nationalisme et au socialisme, la recherche de la communauté et de l’identité, et la recherche de l’égalité et de la solidarité reparaîtront toujours, comme elles le font déjà ». C’est seulement si l’on parvient à concilier ces aspirations à la fois avec la liberté individuelle et l’interdépendance de la planète que l’on pourra empêcher le déchaînement des passions tristes. Macron sera-t-il ce Sisyphe défiant Thanatos ? La France s’en remet pour le moment à sa personne