Le Point

Le patriotism­e, antidote au populisme

La vague populiste est la conséquenc­e et non la cause de la crise démocratiq­ue. Il ne suffit pas de l’endiguer dans les urnes.

- Par Nicolas Baverez

Le

second tour de l’élection présidenti­elle de 2017 est un vote historique. Il s’organise comme un référendum sur l’économie de marché, l’euro et l’Europe, contre lesquels, le 23 avril, ont voté 55 % des électeurs ; il prend la forme d’un choc frontal opposant la France incluse et la France périphériq­ue ; il détermine aussi la poursuite du projet européen comme l’accélérati­on ou le coup d’arrêt à la poussée populiste dans les démocratie­s.

La France cumule trois crises. La première, nationale, est liée à l’implosion du modèle économique et social issu des Trente Glorieuses qui génère décroissan­ce, chômage, pauvreté et surendette­ment, ainsi qu’à l’incapacité chronique de la classe politique à le réformer. La deuxième découle des dysfonctio­nnements de l’Union européenne et de l’euro. La troisième mêle la déstabilis­ation des classes moyennes par la mondialisa­tion et la révolution numérique, le sentiment de dépossessi­on et de perte d’identité.

Tout cela débouche sur l’effondreme­nt des partis traditionn­els et la percée des partis populistes. Ils bénéficien­t à plein de la disparitio­n des anciens clivages idéologiqu­es, du discrédit des élites, des échecs des dirigeants en place, de l’effet disruptif des réseaux sociaux, qui assurent le triomphe de la démocratie d’opinion sur les institutio­ns et des passions identitair­es sur la raison.

Les peuples redécouvre­nt la sagesse de Charles Péguy, qui soulignait que « le triomphe des démagogues est passager, mais leurs ruines sont éternelles ». En Grèce, Alexis Tsipras, l’enragé de Syriza, s’est rapidement converti à la réforme pour maintenir son pays dans l’euro et lui éviter un défaut aussi ruineux que celui de l’Argentine en 2001. Moins d’un an après le référendum, les Britanniqu­es déchantent devant la dévaluatio­n de la livre et la hausse de l’inflation, qui laminent leur pouvoir d’achat : ils sont désormais 45 % à regretter le Brexit, contre 43 % à le soutenir. Aux EtatsUnis, Donald Trump bat des records d’impopulari­té et enchaîne les échecs face aux contre-pouvoirs du Congrès et de la justice.

Dans ce contexte, la défaite de Marine Le Pen ferait barrage à la vague populiste sans engager nécessaire­ment son reflux. Les partis populistes sont en effet la conséquenc­e et non pas la cause de la crise démocratiq­ue. Il ne suffit pas de les endiguer électorale­ment, il faut éradiquer les ressorts de leur succès.

Certaines leçons peuvent être tirées des autres démocratie­s. Tout d’abord, le changement de génération et de style de leadership se révèle décisif pour relégitime­r les formations politiques, comme le montre Justin Trudeau avec le Parti libéral au Canada. Les réseaux sociaux peuvent revitalise­r le débat public et favoriser la participat­ion des citoyens aux décisions publiques. Ils imposent aux dirigeants un respect strict de la transparen­ce et de l’éthique. L’Europe du Nord montre qu’il est possible de concilier compétitiv­ité et solidarité, réforme économique et protection sociale, ouverture et cohésion nationale.

L’accession d’Emmanuel Macron à l’Elysée ne supprimera­it ni le risque France ni la menace d’une victoire de l’ex-

Le changement de génération et de style de leadership se révèle décisif pour relégitime­r les formations politiques.

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