Le Point

Mathieu Laine : « Réformateu­rs de droite, quittez votre maison ! »

Le conservati­sme est une impasse, selon l’essayiste, qui voit en Macron une chance pour les libéraux.

- PAR MATHIEU LAINE

Malgré l’échec de leur champion, les partisans de François Fillon en rêvent encore : reconstrui­re Les Républicai­ns autour des valeurs libérales en économie et conservatr­ices dans les moeurs pour les imposer au futur président à travers une cohabitati­on. Leurs incantatio­ns, arguant du rejet non de leurs idées, mais d’un homme affaibli par les « affaires », n’y suffiront cependant pas. Car le duel fratricide oppose désormais les partisans d’une droite du repli sur soi, antilibéra­le, souveraini­ste et identitair­e, à ceux d’une droite humaniste, européenne et réformatri­ce.

Cet affronteme­nt, qui ne laisse aucun espace propre aux libéraux-conservate­urs, a commencé au soir du premier tour. D’un côté, aidés par un Baroin obsédé par Matignon, Wauquiez, Retailleau, Ciotti, qui ont intrigué pour que ne figure même pas le nom de Macron dans le communiqué officiel de leur parti. De l’autre, une nouvelle génération de talents, Christophe Béchu et Edouard Philippe en tête, et des personnali­tés d’expérience ayant critiqué la radicalisa­tion de leur camp –Bertrand, Pécresse, Juppé, Le Maire – qui ont appelé franchemen­t à voter pour Macron et paraissent compatible­s avec la majorité de projet à laquelle ce dernier aspire.

Si notre vie politique voit disparaîtr­e le clivage droite/gauche, assassiné par vingt ans de réformes molles ayant accru la pauvreté et l’insécurité, et nourri la tentation extrémiste, elle n’en demeure pas moins structurée par l’affronteme­nt du second tour de la présidenti­elle. Ainsi, l’avenir devrait se jouer entre les optimistes et les pessimiste­s, les partisans du progrès et ceux rêvant de le contenir, les patriotes voulant saisir les opportunit­és du nouveau monde et les nationalis­tes nostalgiqu­es obsédés par le repli sur soi.

En bonne logique, si, comme nous l’espérons – et rien n’est fait ! – Emmanuel Macron l’emporte le 7 mai, c’est donc une recomposit­ion profonde qui doit advenir. Les réformateu­rs devraient, comme il l’a fait, prendre le risque, quitter leur maison d’origine et ra- valer leurs ambitions court-termistes pour se mettre « en marche » au service d’une majorité solide rassemblan­t les meilleurs ou les moins mauvais de gauche, du centre, de droite et n’ayant qu’une obsession : offrir aux Français un « quinquenna­t de résultats », seul à même de faire reculer les extrêmes.

Où situer les libéraux-conservate­urs dans cet espace renouvelé ? Ceux se sentant plus libéraux que conservate­urs rejoindron­t, avec pragmatism­e, Emmanuel Macron. Les autres suivront les nouveaux joueurs de flûte de Hamelin, ceux qui, à droite, se prennent pour les dératiseur­s « anti-FN » en ne cessant de le copier et finiront immanquabl­ement par mener nos enfants et nos petits-enfants à la noyade frontiste.

Si les adorateurs de Zemmour, Polony, Todd ou Michéa refuseront de manière épidermiqu­e de soutenir Macron, croyant au mensonge « Emmanuel Hollande » alors qu’il s’en distingue en tout et réinvente en profondeur les vieux schémas, les descendant­s de Burke et de Scruton, qui croient, eux, aux vertus de l’économie de marché tout en s’inquiétant d’une accélérati­on et d’un enlaidisse­ment du monde, devraient regarder de près ce que Macron envisage sur le plan économique comme en matière d’école. Car, avec lui, l’accroissem­ent de la liberté économique est mu par la valeur du travail plus que par le matérialis­me. Il s’accompagne d’une réinventio­n de la protection autour de l’émancipati­on individuel­le. Concernant l’école, Macron n’est pas franchemen­t soixante-huitard ! C’est clairement un candidat antipédago­giste, favorable au retour des savoirs fondamenta­ux, du latin et du grec, de l’enseigneme­nt de l’Histoire dans l’ordre chronologi­que, du complément d’objet direct face au prédicat et de l’autonomie des enseignant­s. C’est, enfin, au-delà des maladresse­s, un évident produit et défenseur de la culture française, et il s’est déclaré l’opposant du multicultu­ralisme.

En cas de victoire de Macron, les libéraux-conservate­urs auront toute leur place auprès de lui pour contribuer à faire reculer le scénario catastroph­e d’une présidence Le Pen en 2022 Mathieu Laine Président de la société de conseil Altermind, enseignant à Sciences po. Auteur du « Dictionnai­re amoureux de la liberté » (Plon).

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