Le Point

Quelle mouche a piqué l’Institut Pasteur ? Crise de succession, entorses aux règles de bio- sécurité, lettres anonymes… Enquête sur les affaires qui secouent l’organisme de recherche.

Le directeur général de l’institutio­n, sur le départ, a porté plainte pour harcèlemen­t.

- PAR VIOLAINE DE MONTCLOS ET MARC LEPLONGON

Jusqu’en 1940, il fallait pour pénétrer les lieux montrer patte blanche au concierge, Joseph Meister, premier malade vacciné contre la rage, miraculé vouant à Louis Pasteur une reconnaiss­ance éternelle. C’est un peu moins romanesque aujourd’hui : on franchit l’enceinte du temple de la recherche par un système ultrasécur­isé de badges et de portiques. De grands travaux sont en cours, un centre de recherche en biostatist­ique et bio-informatiq­ue est en train de sortir de terre. Mais les élégants bâtiments d’origine, de brique rouge, sont toujours debout, et on s’attend presque à voir le maître de la microbiolo­gie assis dehors en majesté, Louis Pasteur lui-même observant de ses intimidant­s yeux pâles, comme il avait pris l’habitude de le faire à la fin de sa vie, les allées et venues des « pasteurien­s », ses apôtres… Il est bien là, mais enseveli pour l’éternité dans la crypte construite à sa gloire, sous le sol que foulent chaque jour des milliers de chercheurs. « Il avait créé avec sa bande de moines-soldats une sorte de monastère voué au progrès dont il était le grand maître, et aujourd’hui rien n’a changé, on entre à Pasteur comme en religion » , sourit un ancien salarié.

Pour gagner le bureau de l’actuel directeur, il faut passer devant les plaques de marbre sur lesquelles sont gravés les noms et les dates de mandat de ses célèbres prédécesse­urs. Pasteur, bien sûr, Emile Duclaux, Emile Roux, Jacques Monod, les plus grands noms de la recherche française et d e l a lé g e nde pa s t e u r i e nne , jusqu’à lui, Christian Bréchot – début de mandat 2013, date de fin encore en suspens… Officielle­ment, il doit quitter les lieux le 30 septembre et un search committee vient enfin d’être constitué pour lui trouver, en catastroph­e, un successeur. Sur ce campus de 2 800 personnes, l’atmosphère est, depuis un an et demi, irrespirab­le : violents pamphlets anonymes circulant dans les laboratoir­es ; licencieme­nts et démissions en pagaille ; pluie de SMS vengeurs – « dégage Mr Bréchot, petit Napoléon, nouveau dictateur » – envoyés sur le portable du directeur ; chercheurs actuelleme­nt auditionné­s par des officiers de la police judiciaire ; membres ou ex-membres de la maison n’acceptant de témoigner que sous garantie absolue d’anonymat – « ne dites à personne que vous m’avez vu » . On songe aux pages sanglantes que la fréquentat­ion des lieux inspira à Céline dans son « Voyage au bout de la nuit », l’Institut y étant décrit comme une « boîte à ordures chaude » où « les plébéiens de la recherche ne pouvaient compter que sur leur propre peur de perdre leur place » … Bi e n sû r, Chr is t i a n Bréchot et les deux membres de la direction qui acceptent ce matin-là de nous recevoir

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Contesté. Christian Bréchot, directeur général de l’Institut depuis 2013, espérait un second mandat. Les statuts de l’institutio­n ne le permettent pas et certains membres de Pasteur ne le souhaitent manifestem­ent pas.

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