A Svéa, chaque battement de son coeur
Récit. C’est l’histoire d’un départ « dans » la vie, et d’un autre, « de » la vie. Svéa a 2 ans et sa grand-mère quitte ce monde, chez elle, entourée des siens, en Suède. Entre la petite fille et Kerstin, il y a Anna, mère de l’une, fille de l’autre ; et il y a le père, mari, gendre et narrateur : l’auteur. Avant d’avoir sa fille, il ne craignait rien, mais, depuis elle, il a peur de tout. De l’avoir eue trop tard (il a 50 ans), de l’avoir jetée dans le chaos de la vie, de la perdre : « Je ne veux jamais tenir ma fille morte entre mes bras, écrit Christophe Paviot. Ces onze mots me tamponnent le cerveau à chaque instant. » Il a peur, et honte aussi, de lui, de ce qu’il dit, de ses larmes toujours en embuscade, et même d’ « écrire ces lignes ». « Si vous pouviez lécher mon coeur, vous seriez empoisonnés. » Ce livre, le plus fragile et le plus personnel de l’auteur (on se souvient de son « Le ciel n’aime pas le bleu », histoire sidérante d’« un mec formidable jusqu’au jour de sa naissance » ), est d’une sincérité nue et absolue – « écrire un texte, c’est le meilleur endroit pour être malhonnête. Je me promets de ne pas l’être, je me promets de ne pas faire de moi quelqu’un de beau ». Entre Paris et les paysages féeriques de Suède, entre regret du passé et inquiétude de l’avenir, Paviot joue les funambules. Il murmure à la fois un requiem pour Kerstin et une louange à l’enfant adoré. Ce voyage dans « la région du coeur », ouvertement adressé à Svéa, est une émouvante réflexion sur la transmission de la vie, même escortée par la mort
« Traversée dans la région du coeur », de Christophe Paviot (Stock, 208 p., 18,50 €).