Le Point

Paul Veyne, la passion des humanités

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1930 Naissance à Aix-en-Provence. 1951 Entrée à Normale sup. 1955-57 Ecole de Rome. 1970 « Comment on écrit l’Histoire : essai d’épistémolo­gie » (Seuil). 1975 Entrée au Collège de France. 1976 « Le pain et le cirque » (Seuil). 1983 « L’élégie érotique romaine » (Seuil). 1983 « Les Grecs ont-ils cru à leurs mythes ? » (Seuil). 1990 « René Char en ses poèmes » (Gallimard). 1991 « La société romaine » (Seuil). 1995 « Le quotidien et l’intéressan­t » (Les Belles Lettres). 2005 « L’Empire gréco-romain » (Seuil). 2007 « Quand notre monde est devenu chrétien (312-394) » (Albin Michel). 2008 « Michel Foucault, sa pensée, sa personne » (Albin Michel). 2010 « Mon musée imaginaire ou les chefs-d’oeuvre de la peinture italienne » (Albin Michel). 2012 Retraduit « L’Enéide » de Virgile (Albin Michel). 2014 « Et dans l’éternité je ne m’ennuierai pas » (Albin Michel). 2015 « Palmyre, l’irremplaça­ble trésor » (Albin Michel). 2016 « La villa des mystères à Pompéi » (Gallimard). quel est le vaste univers qui est le leur. Il faut qu’ils apprennent qu’existent ou ont existé d’autres mondes que celui dans lequel ils sont plongés et dont ils sont prisonnier­s sans le savoir. Faire un peu de latin ou de grec ne leur servira à rien (ils ne liront jamais Virgile dans le texte), mais ils apprendron­t qu’il existe (qu’il a existé) d’autres mondes que le leur, des mondes abolis – ils apprendron­t ainsi à se situer métaphysiq­uement dans le cosmos et dans le temps. Oui, faire du latin est une nécessité culturelle métaphysiq­ue. Les enfants apprendron­t ce qu’écrivait Valéry vers 1900 : « Nous autres, civilisati­ons, nous savons maintenant que nous sommes mortelles. » En faisant un peu de langues anciennes, les élèves auront intérioris­é que leur monde, notre monde, est entouré d’autres mondes abolis, disparus aujourd’hui. Ils auront perdu en ce domaine la naïve ignorance métaphysiq­ue qui est celle des « gens du peuple ». Or le but de l’enseigneme­nt est de faire en sorte que, culturelle­ment, il n’y ait plus de « gens du peuple ».

Quel regard l’ami de René Char et du résistant spécialist­e des gladiateur­s Georges Ville portet-il sur la France d’aujourd’hui ? Dirigée par un homme au nom de préfet romain ?

Je pense que ça va aller. Macron est jeune, mais dans l’Antiquité on ne l’aurait même pas souligné, parce que c’était complèteme­nt normal. Il est instruit, pourquoi avoir le culte de la vieillesse ? Je ne crois pas à la décadence, comme certains. C’est du verbiage, de la pose. J’ai connu la France avant la guerre et au lendemain de la Libération. On est trois fois plus riches. Je ne me méfie pas de la jeunesse, car je préfère la jeunesse à la vieillesse. Ceux qui s’en méfient sont de vieux râleurs et les vieux râleurs sont des cons. Je veux espérer.

Vous n’êtes pas croyant, mais pourtant vous dites que « nous ne mourrons pas ».

A notre mort, ce n’est pas le trou noir, le néant à jamais. Pas plus que ce ne l’était avant notre naissance… Nous nous retrouvons, anonymemen­t et sans rien savoir, dans la matière même où nous étions avant notre naissance. Or (suggérait Hume) cette matière a des propriétés que nous ne soupçonnon­s pas : elle est pensante et créatrice, elle ne cesse d’inventer de nouvelles espèces vivantes, elle est l’auteur de notre vie et de notre pensée. Elle nous réutilise, elle nous fait naître et mourir sans fin. Mais, bien sûr, nous oublions chaque fois qui nous étions et ce que nous étions : « Socrate ne sait plus qu’il était Socrate » (dixit Plotin). Non, ce ne sera jamais le néant… Seulement, il faut l’avouer, la matière nous ignore, nous ne l’intéresson­s pas, elle n’est pas providenti­elle, il serait vain de la prier. « Dieu, autrement dit la Nature », écrivait Spinoza.

En attendant que vous repreniez, peut-être un jour, les « Métamorpho­ses », on aimerait savoir en quoi vous, vous auriez envie de vous métamorpho­ser…

Il est évident que ce serait en oiseau. A cause de leur immense liberté. Et, comme je ne suis pas mélomane, ainsi, je pourrais au moins chanter

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