Le Point

Mario Vargas Llosa : « Ecrire est ma manière d’être vivant »

Le Prix Nobel péruvien publie « Aux Cinq Rues, Lima », un roman à charge sur la présidence Fujimori, son rival vainqueur de la présidenti­elle en 1990. Entretien.

- PROPOS RECUEILLIS PAR MICHEL SCHNEIDER

La couverture du dernier roman de Mario Vargas Llosa montre deux femmes dans un lit en désordre, l’une lisant un journal qui annonce en capitales « COUVRE-FEU DANS TOUT LE PAYS ». Sexe, mensonges et dictature, tout est dit. « Aux Cinq Rues, Lima » (Gallimard) se déroule au cours des années 1990 autour du carrefour des Cinq-Rues, dans le quartier Barrios Altos, l’un des plus dangereux de Lima. Cinq avenues. Quatre plutôt sombres : presse, argent, dictature, sexe, et une cinquième qui n’est peut-être qu’une impasse : liberté. Un grand scandale, politique et sexuel, secoue la presse où sont publiées des photos compromett­antes d’un riche et respectabl­e ingénieur, Enrique Cardenas. Une journalist­e intègre et teigneuse mène l’enquête dans un pays de fantômes et de fantoches, sous la dictature d’Alberto Fujimori, à la tête d’une administra­tion corrompue et soumise à l’emprise sournoise du « Docteur », mystérieux conseiller du président, présent dans le roman sous son nom réel : Vladimoro Lenin Ilich Montesinos. Manipulati­ons communicat­ionnelles, chantages crapuleux, crime politico-mafieux, rien ne manque à cette comédie de moeurs écrite comme un thriller politique. Le roman a été publié au Pérou peu avant l’élection présidenti­elle d’avril 2016 qui opposa Keiko Fujimori, fille de l’ancien président, à

« La vraie littératur­e finit par montrer au lecteur qu’aucun pouvoir, quoi qu’il prétende, n’est et ne doit être illimité. »

Pedro Pablo Kuczynski, ancien banquier de Wall Street, qui l’emporta.

Publier son 19e roman à 81 ans est plutôt rare. Le bourrer de scènes érotiques et d’analyses très actuelles sur la corruption en politique est carrément incroyable. Mais voilà, après le Nobel (2010) et la pléiadisat­ion (2016), Mario Vargas Llosa croit encore à la vie, à l’engagement et à la littératur­e. Le Point l’a rencontré pour parler de son dernier roman (il n’aime pas qu’on dise dernier et corrige : récent)

« Aux Cinq Rues, Lima », de Mario Vargas Llosa, roman traduit de l’espagnol (Pérou) par Albert Bensoussan et Daniel Lefort (Gallimard, 296 p., 22 €).

Le Point : Pourquoi ce roman, à ce moment de votre vie et de votre carrière littéraire ? Mario Vargas Llosa :

On ne sait jamais d’où vient un roman. C’est très mystérieux. Cette fois, je suis parti de l’idée du journalism­e pourri. C’est un des traits de notre époque. Partout dans le monde, développé ou sous-développé, ce type de journalism­e à sensation joue un rôle politique et social important. Délétère. Comme sous l’ère Fujimori au Pérou, on voit dans d’autres pays les médias utilisés pour intimider l’opposition et menacer les rivaux en jetant le discrédit sur leur vie privée, le plus souvent à partir de mensonges.

Le journalist­e corrompu est un homme,

Newspapers in French

Newspapers from France