Murtoli, table de Beauté
Corse. Mathieu Pacaud investit le sublime domaine de Paul Canarelli.
C’est un paradis niché dans l’extrême sud de la Corse. Un jardin d’Eden enfoui dans le maquis avec, à l’horizon, la mer turquoise qui donne la main au ciel azur. Un écrin sauvage cerné par la montagne, s’étirant sur 2 500 hectares de verdure, 8 kilomètres de littoral et 50 kilomètres de piste de Sartène à la côte, et dont le simple nom fait s’illuminer les yeux de la planète entière. Un joyau unique où plane un sentiment de bout du monde.
Murtoli – comprenez l’endroit où pousse la myrte –, fusion du monde mi- néral, végétal et animal et terre mythique peuplée de dix-neuf bergeries, accueille depuis deux décennies des hôtes triés sur le volet. Mais, cette année, le domaine s’apprête à mettre les petits plats dans les grands à partir du 18 juin. Paul Canarelli, le « berger-paysan » – comme il aime à le rappeler – a décidé avec sa femme, Valérie, d’accueillir Mathieu Pacaud. Un retour aux sources et aux racines familiales pour le chef de 36 ans qui a passé d’innombrables vacances à Corbara, d’où sa mère, Danièle – épouse de Bernard Pacaud, 3 étoiles à L’Ambroisie, à Paris –, est originaire.
Le maestro des fourneaux, auréolé de 4 étoiles dans la capitale – 2 à Histoires, une à Hexagone et une à Divellec – va déposer ses casseroles durant trois mois à La Table de la ferme, avec en toile de fond un panorama époustouflant sur le golfe. Une échappée pour mettre sur le devant de l’assiette les trésors de l’arrière-pays et des profondeurs de l’île de Beauté. « Je me sens plus que jamais chez moi », clame fièrement le garçon biberonné depuis l’enfance aux produits d’ici. « Je lui ai donné totale carte blanche » , glisse malicieusement Paul Canarelli.
Ce restaurant de 20 couverts, qui prendra ses quartiers chaque été à Murtoli, Mathieu Pacaud l’a voulu « en totale autarcie, en autosuffisance et en symbiose avec la nature » . Sa partition de haute gastronomie, il la jouera au gré des légumes des potagers, des fruits et des agrumes des vergers, des herbes et des baies avoisinantes, des poissons pêchés en Méditerranée, des viandes et des volailles élevées à la ferme, des fromages affinés sur place, de l’huile d’olive extraite au moulin… Sans oublier les vins du cru minutieusement sélectionnés par Nicolas Stromboni, caviste à Ajaccio et grand ami de la famille Canarelli.
Les intitulés des plats des deux menus dégustation déclinent l’inventaire insulaire : myrte effervescente ; thon mariné à l’immortelle ; oeuf coque à la persia, miel du domaine ; homard de casier rôti à la vuletta, granité d’eau de tomate, mousse de poivron ; langoustine du Cap fumée au romarin endémique ; aiguillettes de rouget, artichaut poivrade, aïoli au safran de Minora ; poularde contisée à la nepita, étouffé de lavande ; mousse tiède de brocciu passu ; fraises des jardins, coeur de figue de Barbarie… Autant de mets avec lesquels Mathieu Pacaud espère décrocher la lune pour finir la tête dans les étoiles. « J’en veux absolument 3 » , confie l’impertinente toque, toujours pressée. On n’en attendait pas moins… La Table de la ferme au Domaine de Murtoli, vallée de l’Ortolo, Sartène (Corsedu-Sud). 04.95.71.69.24. Du 18 juin au 15 septembre. Uniquement au dîner, 7 j./7. Menus : 125, 190 €.