Moudenc : « La recomposition viendra de la province »
Le président des maires des grandes villes s’inquiète de la marginalisation des élus locaux.
Le Point : Vous sentez-vous audibles dans le climat de chamboulement général ? Jean-Luc Moudenc :
La révolution politique première est que, du fait de la loi contre le cumul des mandats, ne siégeront plus à l’Assemblée nationale ni maires ni présidents d’intercommunalité… Et il en sera de même au Sénat dès octobre. C’est une nouveauté majeure. Elle entraîne pour nous, élus, une interrogation essentielle : comment intervenir dans le processus d’élaboration des lois qui nous concernent dans divers domaines, et en premier lieu pour la loi de finances ? Nous avons proposé la création d’un Haut Conseil des territoires ou, en tout cas, d’une instance nationale au sein de laquelle les élus et les associations pourraient faire entendre leur voix. Le candidat Emmanuel Macron a inscrit quelque chose de similaire dans son programme. Qu’en est-il aujourd’hui ? J’attends du gouvernement des réponses précises avant la fin de la session parlementaire.
Vous ne vous sentez pas assez entendus ?
Durant le quinquennat précédent, c’est le moins que l’on puisse dire. Pour celui qui commence, nous ne préjugeons de rien tant que les contours de la politique nationale ne sont pas clairs. De notre côté, depuis plusieurs mois, nous multiplions les initiatives, avec les présidents du bloc communal et intercommunal, pour parler d’une seule voix. Peu importe la taille de nos villes, qu’elles soient urbaines ou rurales, il nous faut faire cause commune.
Comment pouvez-vous faire pression ?
Jean-Luc Moudenc Maire LR de Toulouse et président de France urbaine
Il n’est pas question de faire pression. Nous ne sommes pas des lobbyistes ! Nous sommes des maires qui travaillent quotidiennement pour nos concitoyens au moment où nous assistons à la fin d’un cycle politique et démocratique et que s’est installé durablement le sentiment que le pouvoir est lointain, parisien et anonyme. Je crois utile de rencontrer chacun des présidents de groupe à l’Assemblée nationale ainsi qu’au Sénat, afin d’organiser le dialogue et les échanges entre les parlementaires et les maires dans le travail législatif. Il faut, en premier lieu, une loi de finances spécifique pour les collectivités locales. Les sujets qui nous concernent ne doivent pas être noyés dans le projet de loi de finances général. Il existe bien une loi de finances particulière pour la Sécurité sociale, le PLF-SS. Pourquoi n’en est-il pas de même pour les collectivités locales, un PLF-CL, donc ?
Craignez-vous encore d’être étranglés financièrement ?
Nous subissons déjà la baisse des dotations de fonctionnement décrétée d’en haut par François Hollande en 2014. Emmanuel Macron a indiqué que, au sein des 60 milliards d’économies publiques qu’il envisage, 10 milliards devraient être le fait des collectivités, en ciblant les dé- penses de fonctionnement pour la période 2018-2022. Le président de la République a expliqué pendant la campagne que cette nouvelle baisse ne tomberait pas comme un couperet, qu’elle serait discutée, négociée. Soit. Mais cette mesure doit entrer en vigueur en 2018, c’est-à-dire demain, et on ne connaît pas encore le cadre de notre dialogue.
Pour vous, élu LR, peut-on encore éviter la fracture de la droite ?
Le divorce paraît consommé entre une aile droitière et un tempérament modéré… Mais ces différences ont toujours existé. Dès 2002, au sein de l’UMP, il s’agissait déjà de rassembler des traditions politiques diverses. Voulons-nous rester ensemble en conjuguant nos différences ou nous séparer parce qu’on ne se supporte plus qu’une tendance impose sa ligne ? Je suis partisan d’une attitude de raison qui nous commande de rester ensemble. Si l’aile modérée de LR, les « constructifs », faisait bande à part, il est probable qu’elle serait réduite à un club d’élus au poids politique très relatif. Où seraient les militants ?
Quels rôles peuvent jouer les grands élus locaux ?
Notre rôle premier est de ramener le pouvoir national à la réalité vécue sur le terrain, à la vie quotidienne des Français, dont nous sommes les témoins et les acteurs permanents. Tout comme le faisait Dominique Baudis, je préfère me tenir à l’écart des manoeuvres parisiennes des appareils politiques. Cela ne m’affranchit pas de la responsabilité d’être vigilant à l’égard de la politique d’Emmanuel Macron. Le président a demandé à une personnalité de droite de grande qualité, Edouard Philippe, de mener ces réformes. C’est à la fois inédit et rassurant à mes yeux. Mais je suis convaincu que la suite de la recomposition politique ne viendra plus de Paris, mais de la province. Les collectivités sont l’ultime rempart face aux extrémistes