Le Point

En première ligne contre Daech à l’extérieur, piliers de la sécurité et de l’économie à l’intérieur, les gardiens de la révolution s’imposent comme les maîtres de l’Iran. Reportage.

- DE NOTRE ENVOYÉ SPÉCIAL À TÉHÉRAN, ARMIN AREFI

Des hurlements résonnent dans le quartier 50 du Paradis de Zahra, le plus grand cimetière d’Iran, au sud de la capitale. Des dizaines de tombes de « martyrs » sont alignées en rangées, protégées du soleil brûlant par un chapiteau vétuste. Enveloppée­s dans leur tchador noir, deux femmes sanglotent sur la tombe de Hossein Moezgholam­i. Ce jeune homme de 23 ans est décédé en avril dans la ville syrienne de Hama. Il était gardien de la révolution. Depuis l’avènement du califat de Daech, en 2014, cette garde prétorienn­e de la République islamique est à la pointe de la lutte contre les djihadiste­s. En Irak, les gardiens encadrent les puissantes milices chiites engagées contre les soldats du califat. En Syrie, ceux que l’on surnomme les « défenseurs du mausolée de Zeinab » prêtent en réalité main-forte aux forces de Bachar el-Assad. Officielle­ment, leur mission est de protéger le mausolée de la fille de l’imam Ali, que l’Etat islamique a juré de détruire, mais ils combattent avant tout les insurgés opposés au président syrien. D’après Ali Alfoneh, chercheur à l’Atlantic Council, au moins 600 gardiens de la révolution ont péri en Syrie et 120 en Irak.

Le jeune Hossein Moezgholam­i effectuait son troisième séjour en Syrie, où, sa famille l’assure, il s’était rendu volontaire­ment. « Depuis tout petit, Hossein était attiré par les gardiens en raison de ses conviction­s religieuse­s, raconte son oncle, un enfant sur les épaules. Il avait pourtant été accepté dans de très bonnes université­s. Mais il a refusé d’y entrer pour épouser une carrière de pasdar [gardien, NDLR] » . Sur la pierre tombale, deux photos sont gravées : d’un côté, le jeune gardien entonne un chant religieux ; de l’autre, il pose en uniforme, kalachniko­v à la main, devant une ruine en Syrie. En épitaphe, ses dernières paroles : « Que celui qui passe devant ma sépulture lise quelques versets du Coran, et moi, pour l’amour de l’imam Hossein, je me lèverai et ma tête heurtera le marbre de mon tombeau. » Ecrasé de chagrin, son père, AliAkbar Moezgholam­i, est inconsolab­le. « Mon fils a réalisé son devoir contre l’impérialis­me, se félicite-t-il pourtant. Daech n’est qu’un outil des Occidentau­x pour conquérir une autre terre après Israël et casser le croissant chiite ! »

A ses côtés, le grand-père du martyr acquiesce. « Les pasdaran déf e ndent t o us l e s pauvres e t l e s opprimés » , insiste-t-il d’une voix fatiguée. Le décès de Hossein Moezgholam­i a été rendu public sur l’applicatio­n mobile Telegram. Depuis, les jeunes anonymes se succèdent devant la sépulture, qu’ils touchent du doigt en signe de respect. « Je regrette de ne pas avoir essayé de me rendre en Syrie, confie Davood Shakouri, 24 ans. Hossein a défendu son pays en Syrie et, s’il ne l’avait pas fait, Daech serait en Iran aujourd’hui. » Sans bruit, un adolescent s’approche à son tour de la tombe du « martyr », la mine fermée. Hossein Zahraei est un bassidji, un jeune volontaire

 ??  ?? Garde prétorienn­e. Le 20 mai 2015, Hossein Salami (2e à dr.), commandant adjoint des gardiens de la révolution, Mohsen Rezaï (2e à g.) et Yahya Rahim Safavi (à g.), leurs anciens chefs, saluent le Guide suprême de la révolution islamique, l’ayatollah...
Garde prétorienn­e. Le 20 mai 2015, Hossein Salami (2e à dr.), commandant adjoint des gardiens de la révolution, Mohsen Rezaï (2e à g.) et Yahya Rahim Safavi (à g.), leurs anciens chefs, saluent le Guide suprême de la révolution islamique, l’ayatollah...

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