« Allô, ici Jean-Yves Le Drian »…
Un escroc se faisant passer pour l’ex-ministre de la Défense a subtilisé des millions d’euros à de grandes fortunes. Révélations.
«O ui, bonjour, Votre Altesse, comment allez-vous ? » Au téléphone, la voix est posée, le ton parfaitement assuré. L’Aga Khan, une des plus grosses fortunes au monde, est loin de s’imaginer qu’il est en passe d’être dupé… Depuis son somptueux domaine d’Aiglemont, où il est contacté, le prince en est convaincu : il a bien Jean-Claude Mallet, conseiller spécial de Jean-Yves Le Drian, à l’autre bout du fil, qui lui explique que le ministre de la Défense négocie actuellement la libération de plusieurs otages détenus par Daech en Syrie. Et que l’Etat, ne pouvant apparaître officiellement dans le paiement de la rançon, aurait bien besoin de quelques amis de la République afin de s’acquitter du tribut…
Quelques appels plus tard – dont un, très convaincant, du (faux) ministre en personne –, l’Aga Khan s’exécute. Quatre virements vers des comptes offshore sont réalisés la première semaine de mars 2016, le tout pour le montant pharaonique de 18,4 millions d’euros ! Les courriels d’alerte d’une des collaboratrices du prince – « Je suis très inquiète », « Portable bizarre », « Le ministre n’arrête pas d’appeler » – n’y suffiront pas. Seul le dernier virement de 5 millions d’euros sera intercepté à temps par la banque. Le reste de l’argent ? Dilapidé à travers paradis offshore et sociétés écrans.
Selon nos informations, ils sont des dizaines – grands patrons, héritiers, présidents d’ONG, chefs d’Etat – à avoir été contactés selon le même schéma, certains, comme le prince, ayant largement défait le cordon de leur bourse. Nicole Bru, à la tête de la fondation du même nom, a ainsi été délestée de 826 000 euros, quand Corinne Mentzelopoulos, gérante du domaine Château Margaux, a été détroussée de près de 6 millions d’euros. Contactée elle aussi en mars 2016 par le faux Le Drian, l’experte en grands crus classés a viré plusieurs sommes d’argent sur les comptes d’une société d’Europe centrale, prétextant auprès de ses financiers, certes un peu circonspects, un « investissement en Tchécoslovaquie » (sic).
L’escroc, habile et bien renseigné, a amadoué la 103e fortune de France grâce à des détails sur sa vie privée. Se payant même le luxe de parfaire son scénario d’un mail de remerciement paraphé par le chef des armées : « Suite à notre entretien téléphonique, je vous confirme l’étroite collaboration entre vous et l’Etat français pour la libération de nos deux ressortissants français. » La supercherie ne sera découverte par Corinne Mentzelopoulos que le 16 mars 2016 et confessée d’un air gêné
Sur Skype, le truand apparaît grimé en sosie de Le Drian, dans un bureau « élyséen ».