Le Point

De Harlem aux tranchées

En première ligne en 1918, ces soldats noirs américains furent laissés dans l’oubli.

- FRANÇOIS-GUILLAUME LORRAIN

C’était le 15e régiment de la Garde nationale de New York. Lorsque les Etats-Unis racistes entrent dans la Première Guerre mondiale, cette unité noire de Harlem y voit l’occasion de faire avancer le combat pour les droits des Afro-Américains. Les officiers seront blancs (44 contre 6 Noirs), le reste du casting étant pour le moins hétéroclit­e : avocats, professeur­s, mais aussi boxeurs, joueurs de base-ball, repris de justice, dealers, musiciens… Tous veulent « montrer la fierté d’être noirs ». Ils prennent pour devise « Don’t Tread on Me » (Ne me marche pas dessus). On va cependant les piétiner.

Interdits de défilé avant l’embarqueme­nt, provoqués par les régiments blancs lors de l’instructio­n, ils pensent échapper à leur condition en arrivant en France, où ils débarquent en jouant une « Marseillai­se » très jazzy. Le général Pershing, grand pourfendeu­r de « Negros » , les envoie construire une gare dans le froid hivernal, près de Saint-Nazaire. Les Français réclamant des troupes aux Américains, ceux-ci leur cèdent ce régiment de 2 000 hommes. Sur le terrain, l’unité fait des étincelles, démentant les clichés sur des Noirs indiscipli­nés et couards. Le héros Henry Johnson, qui a botté le cul à 24 boches, dénonce dès 1919 l’hypocrisie de l’armée américaine. Il échappe de peu au lynchage, finit dans la misère. Il faudra attendre le 2 juin 2015 pour que Barack Obama lui décerne à titre posthume la Medal of Honor. Un hommage tardif à un régiment qui fut aussi en première ligne dans une guerre intérieure, celle des droits civiques

« Les poilus de Harlem. L’épopée des Hellfighte­rs dans la Grande Guerre », de Thomas Saintouren­s (Tallandier, 284 p., 19,90 €).

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Héros. Soldats des Harlem Hellfighte­rs décorés de la croix de guerre.

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