Des gorgées de soleil
Blanc, rouge ou rosé, les vins d’été ont le goût des vacances. Les bons plans du Point.
Qui sont les ringards ? Pierre Perret, avec un autre adjectif de trois lettres, avait en somme répondu à cette douloureuse question : on trouve toujours plus ringard que soi… Il n’y a pas si longtemps, c’était ainsi que l’on qualifiait les buveurs de rosé : des Patrick Chirac de « Camping » mangeurs de chipos carbonisées. « The times they are a-changin » , comme chantait un récent Prix Nobel de littérature : le rin- gard d’aujourd’hui, c’est celui qui persiste dans ce dénigrement. Si autrefois on pouvait lui donner raison de considérer que le rosé, « ce n’est pas du vin ! », il faut désormais sérieusement actualiser le logiciel. Terminée, la cuve poubelle où l’on jetait tous les raisins jugés de qualité insuffisante pour faire du rouge. La concurrence est devenue rude, la consommation exigeante et celui qui veut vendre son vin et développer une clientèle ne peut plus se satisfaire d’un ersatz. Depuis quelques saisons, une nouvelle étape a même été franchie. Le rosé « technique » des années 2000 obtenu grâce à des fermentations à très basses températures, framboise à tous les étages avec en finale un peu de sucre résiduel pour arrondir les angles et valoriser le fruité, n’a plus la cote. De plus en plus, c’est le rosé terroir qui prend le pas, celui qui parle avec l’accent du pays, pur et sans artifices. La Provence, leader incontesté doté d’un laboratoire de recherches spécialisé, a placé la barre très haut en matière de qualité. Et vouloir suivre sa route nécessite d’être inscrit chez les grands professionnels. Aujourd’hui, non seulement cette région a conquis les palais français, mais elle doit aussi répondre à une demande internationale – des Etats-Unis, notamment – de plus en plus gourmande. « On manque de vin à l’export », confirme Frédéric Rouzaud, patron des champagnes Roederer mais aussi des Domaines Ott, célèbres en Provence pour leurs Clos Mireille et Château de Selle, qui viennent de se doter d’un chai tout neuf et spectaculaire. Et c’est vrai pour toutes
les vedettes provençales : les Minuty, Sainte-Roseline, d’Esclans et autres emballent l’étranger. Mais pour les irréductibles ou plus simplement pour ceux qui aiment varier les plaisirs, il existe d’autres vins dits d’été. Blancs vifs, minéraux ou fruités, ou même effervescents comme les crémants-de-bourgogne, chez qui nous avons opéré une mini et sévère sélection. Et, bien sûr, rouges pas trop tanniques comme ceux de Loire, cuvées légères de « graviers », ou du Beaujolais avec le gamay, cépage roi des jours de soif et de soleil. Désormais, nombreux sont les producteurs à proposer des gammes larges allant du grand vin de garde et plutôt hivernal destiné aux plats des soirées froides jusqu’au rouge peu extrait où le fruit l’emporte sur la concentration. Alsace, Jura, Sud-Ouest (Gaillac, notamment) vallée du Rhône et même Bordelais, tout le monde viticole a intégré la tendance. Désormais, en France, on boit moins mais juste et bon, en accord avec les mets, les produits et les saisons