« Le Che »
Prenons un exemple, très ancien : l’Ena, le sujet d’un petit pamphlet coécrit en 1967 avec Didier Motchane et Alain Gomez, intitulé « L’énarchie ou les mandarins de la société bourgeoise ». Mon diagnostic concernant l’Ena est resté le même : il s’agit de deux concours assez difficiles, l’un à l’entrée, l’autre à la sortie, mais entre les deux il n’y a rien et à la sortie il y a toujours les « grands corps ». Sauf que je pense aujourd’hui qu’il ne faut pas réformer cette école, mais la supprimer. Donc, j’ai un peu évolué… [Sourire.] 9 mars 1939 Naissance à Belfort. 1965 Diplômé de l’Ena, promotion Stendhal. 1966 Fonde le Céres (Centre d’études, de recherches et d’éducation socialiste). 1981 Ministre de l’Industrie dans le premier gouvernement Mauroy. 1983 Maire de Belfort. Le 22 mars, il démissionne du gouvernement pour protester contre le « tournant libéral ». 1991 Ministre de la Défense du gouvernement Rocard, il démissionne après l’engagement français en Irak. 1992 Fait campagne contre le traité de Maastricht. 1997 Ministre de l’Intérieur de Lionel Jospin. 2002 Candidat à la présidentielle, il obtient 5,33 % des suffrages exprimés. 2012 Nommé représentant spécial pour la Russie. 2016 Prend la tête de la Fondation pour l’islam de France.
Nous vivons ce qu’il convient d’appeler la fin du cycle d’Epinay. Quel souvenir gardez-vous de cette aventure ?
François Mitterrand m’avait fait venir rue Guynemer quelques mois avant le congrès d’Epinay : « Vous êtes, me dit-il, avec vos amis du Céres, comme un corps franc à l’arrière des lignes adverses. » Les corps francs étaient ceux que l’on envoyait derrière les lignes allemandes, en Sarre, notamment, quand Mitterrand était soldat en 1939-1940. « Si vous réussissez, nous gagnons. Sinon, vous serez fusillés ! » Nous réussîmes le jour du congrès à peser 8,5 % des mandats. C’était ce qu’il fallait pour faire pencher la balance entre Guy Mollet et Mitterrand, qui pesaient chacun un peu plus de 45 %. C’est comme cela que nous avons fait sur notre ligne, c’est-à-dire sur l’objectif d’un programme commun avec les communistes, un grand Parti socialiste qui couvrait l’éventail de toutes les sensibilités, de Chevènement à Defferre et Chandernagor. C’était un formidable accomplissement pour le Céres par rapport à ce que nous étions quelques années auparavant. Avec quelques copains de l’Ena, Georges Sarre et des polytechniciens rencontrés en chemin, nous formions une petite bande avec un état d’esprit qui n’était pas celui du militant socialiste moyen. Nous avions été forgés par la guerre d’Algérie.
Auriez-vous pu défendre l’idée d’une Algérie française ?
L’idée de l’intégration en soi ne m’aurait pas gêné, mais j’étais assez réaliste pour comprendre que la chose n’était plus pos-
« Je pense aujourd’hui qu’il ne faut pas réformer l’Ena, mais la supprimer. Donc, j’ai un peu évolué… »