Trois savoureuses fins du monde à déguster avant l’Apocalypse
« D’un feu sans flammes », Hrbek de Greg
La plus lynchéenne. 11 août, San Francisco. Une immense explosion d’origine mystérieuse plonge la ville dans le chaos. Le point de départ d’une guerre à la fois civile et planétaire. La communauté musulmane est pointée du doigt, au point que la majorité de ses membres est rapidement confinée dans les anciennes réserves indiennes, dans des conditions inhumaines. Quelques années plus tard, un vétéran de l’armée, habitant d’une banlieue paisible, adopte l’un des enfants issus de ce regroupement. Ce dernier devra décider s’il accepte de laisser derrière lui la haine et de renoncer à l’attentat-suicide pour lequel on l’a préparé. Mais, loin d’une politique-fiction classique, Greg Hrbek livre un récit aux multiples strates, présentant plusieurs réalités parallèles et inconciliables. L’Histoire estelle inéluctable ? Dans quel recoin secret de notre inconscient les existences que nous aurions pu vivre se cachent-elles ? Autant de questions lancinantes qui agitent ce roman poignant, et dont la force tient dans l’étrangeté rêveuse.
« Zones de divergences », de John Feffer La plus intello. Il avait eu raison avant tout le monde et il n’en est pas plus avancé. En 2020, l’universitaire Julian West publiait un essai visionnaire pour décrire par le menu les catastrophes qui allaient déchirer la planète : poussées identitaires réduisant les Etats en miettes, désastres écologiques et propagation du terrorisme. Trente ans plus tard, l’homme est vieux, aigri et solitaire. Il décide de parcourir virtuellement le globe, sous la forme d’un avatar numérique, pour voir sa famille déchirée. Lui-même spécialiste de géopolitique, John Feffer propose une vision convaincante des mécanismes possibles de la déroute collective. Il a l’intelligence de la mettre au service d’un personnage orgueilleux et vaincu, donc d’autant plus touchant. Noir et puissant.
« Les Mandible : une famille, 20292047 », de Lionel Shriver
La plus financière. « L’économie a une dimension apocalyptique ! explique la romancière Lionel Shriver. Un krach financier peut provoquer la fin du monde, du système sur lequel nous vivons. » Dans « Les Mandible », l’auteure d’« Il faut qu’on parle de Kevin» imagine une Amérique dont l’économie s’effondre brusquement. Face à un dollar qui ne vaut plus rien, une famille, les Mandible, doit tenter de survivre par tous les moyens. Car, lorsque l’argent n’a plus cours, la loi de la jungle s’instaure très vite. Pessimiste incurable, la romancière met en scène une civilisation qui se dissout à grande vitesse.