Spider-Man capture l’adolescence
L’homme-araignée revient au cinéma. A chaque film, un instantané de la jeunesse.
C’est le plus populaire de tous les superhéros. Pour la troisième fois en à peine quinze ans, Spider-Man renaît sur grand écran dans « Spider-Man : Homecoming », incarné par un acteur plus juvénile que ses prédécesseurs : après le gentillet Tobey Maguire et le ténébreux Andrew Garfield, voici la pile électrique Tom Holland. L’objectif ? Parler aux ados d’aujourd’hui plutôt qu’aux fans de la première heure. La démarche n’est pas insensée : lorsque Stan Lee et Steve Ditko imaginèrent Peter Parker, en 1962, ils s’adressaient à des adolescents lassés des figures patriarcales de Batman et Superman. A chaque adaptation, l’homme-araignée a présenté un portrait fascinant des jeunes de son époque : celui de 2017 ne fait pas exception.
L’ado un peu gauche : « Spider-Man », de Sam Raimi (2002) Juin 2002, le monde se rue dans les salles pour découvrir le premier visage de Peter Parker sur grand écran. Tobey Maguire incarne ce que Steve Saffel décrit dans « Spider-Man : The Icon » comme l’ « archétype absolu de l’adolescence » : un dadais boutonneux, au corps en pleine mutation, amoureux d’une fille qu’il ne peut avoir. Mordu par une araignée radioactive, Parker développe la capacité de sécréter un fluide visqueux translucide qui, une fois éjecté, devient une toile ultrarésistante. « Une métaphore géniale de l’éjaculation pubère pour illustrer le passage à l’âge adulte » , explique Olivier Delcroix, auteur des « Super-héros au cinéma » (Hoëbeke). Le choix d’un acteur de 26 ans pour incarner un gamin de 17 ans n’est pas anodin : à travers Maguire, le réalisateur Sam Raimi livre son regard d’adulte sur l’adolescence. Son Spider-Man est à la fois candide et grave. C’est un marginal gauche et timide, un geek un peu benêt, comme on les considérait à l’époque. Il porte le deuil du 11-Septembre – le film était en postproduction quand les tours sont tombées, et Sam Raimi a ajouté plusieurs allusions à la douleur des New-Yorkais. Ce contexte particulier a fait de l’homme-araignée l’icône vers laquelle l’Amérique s’est tournée pour panser ses plaies, l’emblème d’une ville qui se cherchait un sauveur.
Le geek branché : « The Amazing Spider-Man »,Sp de Marc Webb (2012) DixDi ans plus tard, la culture BD ( comics) a submergé Hollywood.Ho Christopher Nolan lui a donné ses lettres de noblesse en donnant à « Batman » une tonalité aussiau sombre que tragique. Le terrorisme est là, le complexeple d’OEdipe aussi. Facebook a débarqué, « Twilight » et ses beaux ténébreux aussi, et le geek est devenu cool.co Le nouveau « Spider-Man » recycle à dessein l’un desde héros de « The Social Network » pour en faire un PeterPe Parker aux airs de Mark Zuckerberg, le fondateurteu de Facebook. « Parker passe son temps sur un skate, symbolisesy cette jeunesse de l’évitement qui surfe sur la Toile et ne veut pas poser les pieds par terre » , résume Olivier Delcroix.De Même s’il tente de fuir ses responsabilités, le héros reste néanmoins encore conscient qu’ « un gr grand pouvoir implique de grandes responsabilités » .
Le YouTuber décomplexé : « Spider-Man : Homecoming », de Jon Watts (2017) La génération YouTube s’est monétisée, smartphonesp et réseaux sociaux stimulent les réflexes d’exhibition des millennials, les polémiques sur la diversité ethnique et la misogynie ont éclaboussé l’industrie du cinéma. Pas étonnant donc que ce Spider-Man-ciSp prenne un virage à 180 degrés par
rapport à l’homme-araignée des origines. Incarné par le plus jeune de tous ses interprètes, Tom Holland, 20 ans, le Peter Parker de 2017 poste ses exploits en vidéo sur la Toile, fait joujou avec un costume truffé de gadgets, ne réfléchit guère avant d’agir et multiplie les bouffonnades, tout en évoluant dans un lycée bien plus multicolore que celui de ses prédécesseurs. « Raimi avait traité Spider-Man comme un mythe, Watts le démythifie complètement pour le rendre plus identifiable par les jeunes, à qui il tend vraiment un miroir » , commente Olivier Delcroix. Mais, à trop vouloir courtiser une génération immergée dans son insouciance technologique, ce Spider-Man oublie une autre constante fondamentale dans le lien tissé entre le héros et son public : l’émotion. Ah, le difficile exercice qui consiste à concilier respect d’une icône et adaptation aux évolutions de la jeunesse !