Le Point

Spider-Man capture l’adolescenc­e

L’homme-araignée revient au cinéma. A chaque film, un instantané de la jeunesse.

- PAR PHILIPPE GUEDJ ET PHALÈNE DE LA VALETTE

C’est le plus populaire de tous les superhéros. Pour la troisième fois en à peine quinze ans, Spider-Man renaît sur grand écran dans « Spider-Man : Homecoming », incarné par un acteur plus juvénile que ses prédécesse­urs : après le gentillet Tobey Maguire et le ténébreux Andrew Garfield, voici la pile électrique Tom Holland. L’objectif ? Parler aux ados d’aujourd’hui plutôt qu’aux fans de la première heure. La démarche n’est pas insensée : lorsque Stan Lee et Steve Ditko imaginèren­t Peter Parker, en 1962, ils s’adressaien­t à des adolescent­s lassés des figures patriarcal­es de Batman et Superman. A chaque adaptation, l’homme-araignée a présenté un portrait fascinant des jeunes de son époque : celui de 2017 ne fait pas exception.

L’ado un peu gauche : « Spider-Man », de Sam Raimi (2002) Juin 2002, le monde se rue dans les salles pour découvrir le premier visage de Peter Parker sur grand écran. Tobey Maguire incarne ce que Steve Saffel décrit dans « Spider-Man : The Icon » comme l’ « archétype absolu de l’adolescenc­e » : un dadais boutonneux, au corps en pleine mutation, amoureux d’une fille qu’il ne peut avoir. Mordu par une araignée radioactiv­e, Parker développe la capacité de sécréter un fluide visqueux translucid­e qui, une fois éjecté, devient une toile ultrarésis­tante. « Une métaphore géniale de l’éjaculatio­n pubère pour illustrer le passage à l’âge adulte » , explique Olivier Delcroix, auteur des « Super-héros au cinéma » (Hoëbeke). Le choix d’un acteur de 26 ans pour incarner un gamin de 17 ans n’est pas anodin : à travers Maguire, le réalisateu­r Sam Raimi livre son regard d’adulte sur l’adolescenc­e. Son Spider-Man est à la fois candide et grave. C’est un marginal gauche et timide, un geek un peu benêt, comme on les considérai­t à l’époque. Il porte le deuil du 11-Septembre – le film était en postproduc­tion quand les tours sont tombées, et Sam Raimi a ajouté plusieurs allusions à la douleur des New-Yorkais. Ce contexte particulie­r a fait de l’homme-araignée l’icône vers laquelle l’Amérique s’est tournée pour panser ses plaies, l’emblème d’une ville qui se cherchait un sauveur.

Le geek branché : « The Amazing Spider-Man »,Sp de Marc Webb (2012) DixDi ans plus tard, la culture BD ( comics) a submergé Hollywood.Ho Christophe­r Nolan lui a donné ses lettres de noblesse en donnant à « Batman » une tonalité aussiau sombre que tragique. Le terrorisme est là, le complexepl­e d’OEdipe aussi. Facebook a débarqué, « Twilight » et ses beaux ténébreux aussi, et le geek est devenu cool.co Le nouveau « Spider-Man » recycle à dessein l’un desde héros de « The Social Network » pour en faire un PeterPe Parker aux airs de Mark Zuckerberg, le fondateurt­eu de Facebook. « Parker passe son temps sur un skate, symbolises­y cette jeunesse de l’évitement qui surfe sur la Toile et ne veut pas poser les pieds par terre » , résume Olivier Delcroix.De Même s’il tente de fuir ses responsabi­lités, le héros reste néanmoins encore conscient qu’ « un gr grand pouvoir implique de grandes responsabi­lités » .

Le YouTuber décomplexé : « Spider-Man : Homecoming », de Jon Watts (2017) La génération YouTube s’est monétisée, smartphone­sp et réseaux sociaux stimulent les réflexes d’exhibition des millennial­s, les polémiques sur la diversité ethnique et la misogynie ont éclaboussé l’industrie du cinéma. Pas étonnant donc que ce Spider-Man-ciSp prenne un virage à 180 degrés par

rapport à l’homme-araignée des origines. Incarné par le plus jeune de tous ses interprète­s, Tom Holland, 20 ans, le Peter Parker de 2017 poste ses exploits en vidéo sur la Toile, fait joujou avec un costume truffé de gadgets, ne réfléchit guère avant d’agir et multiplie les bouffonnad­es, tout en évoluant dans un lycée bien plus multicolor­e que celui de ses prédécesse­urs. « Raimi avait traité Spider-Man comme un mythe, Watts le démythifie complèteme­nt pour le rendre plus identifiab­le par les jeunes, à qui il tend vraiment un miroir » , commente Olivier Delcroix. Mais, à trop vouloir courtiser une génération immergée dans son insoucianc­e technologi­que, ce Spider-Man oublie une autre constante fondamenta­le dans le lien tissé entre le héros et son public : l’émotion. Ah, le difficile exercice qui consiste à concilier respect d’une icône et adaptation aux évolutions de la jeunesse !

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Hyperconne­cté. Un Spider-Man au costume bardé de gadgets technologi­ques dans « Homecoming ».

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