Le Point

La disgrâce du roi des forains

Depuis trente ans, Marcel Campion règne sur les foires et manèges parisiens. Pris dans une enquête gênante pour la mairie, il est lâché par ses amis politiques. La fin d’un règne ?

- PAR MÉLANIE DELATTRE ET STÉPHANE SELLAMI

C’est l’une des fêtes les plus courues de la saison tropézienn­e. Chaque été, le forain Marcel Campion, qui possède une splendide villa sur la route des Salins, organise une grande soirée « gipsy ». Aux amis de longue date, Michou et Régine, Delon, Belmondo ou encore la jet-setteuse Hermine de Clermont-Tonnerre, se mêlent alors, au son de la musique tsigane, les personnali­tés politiques de passage. Des élus locaux, mais aussi l’ancien maire de Paris, Bertrand Delanoë, il y a deux ans, ou encore l’édile du 8e arrondisse­ment de la capitale, Jeanne d’Hauteserre. « Cette année, il y aura Thomas Dutronc et les Gipsy Kings. En revanche, je vais faire passer le message aux élus de Paris qu’ils ne sont plus les bienvenus » , avertit l’organisate­ur des festivités, qui se tiendront, cette année, le 3 août. Un avertissem­ent inutile, tant ses amis politiques d’hier se sont déjà détournés de celui que l’on surnomme le « roi des forains ».

La volte-face la plus surprenant­e est sans nul doute celle de l’actuelle maire de Paris, Anne Hidalgo, qui garde désormais ses distances visà-vis de celui qu’elle appelait hier « Marcel », auquel elle n’avait pas hésité à donner son numéro de portable. « Sa directrice de campagne est venue me trouver avant les municipale­s pour que je rejoigne le comité de soutien. J’avais également été approché par sa rivale NKM, dont j’avais bien connu le père, maire de Sèvres, mais elle n’avait aucun projet concret pour les forains. J’ai donc accepté de soutenir Mme Hidalgo » , raconte Campion, qui nous reçoit à La Guinguette, « son » restaurant à la fête foraine des Tuileries. Si l’ambiance est un peu assoupie en ce jour de forte chaleur, le patriarche de 77 ans, toujours bon pied bon oeil, est, lui, très remonté. Il ne comprend pas le soudain refroidiss­ement de ses relations avec l’élue parisienne, et encore moins ce qu’il considère comme une trahison : le récent lâchage par l’exécutif de la capitale, qui, le 3 juillet, a mis un terme au marché de Noël des Champs-Elysées. Implantée par Marcel Campion il y a un peu moins d’une décennie, cette attraction hivernale était décriée par l’opposition, qui jugeait « médiocres » et « mercantile­s » ses stands. Un avis que n’avait jamais semblé partager la mairie de Paris. « Fin 2013, Anne trouvait encore mon marché très à son goût, puisque c’est dans un de nos chalets-restaurant­s qu’elle a lancé sa campagne. Je ne l’ai forcée à rien, c’est elle qui a voulu organiser cette soirée » , lâche le forain.

Cachez ce Campion (et ses manèges) que je ne saurais voir… Tel semble être le leitmotiv de la mairie de Paris depuis que Le Canard enchaîné a révélé, il y a un an et demi, l’existence d’une enquête visant l’ami des people. Au coeur des investigat­ions menées depuis un an par le juge Van Ruymbeke, un contrat signé en mai 2015 qui lie pour deux ans la mairie de Paris à la société Fêtes Loisirs pour

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 ??  ?? Conquête. Ci-dessus, le numéro d’ « InterForai­n » daté du 3 septembre 1987. Grâce à Jacques Chirac, alors maire de Paris et Premier ministre de François Mitterrand, Marcel Campion obtient ses premiers emplacemen­ts à Paris.
Conquête. Ci-dessus, le numéro d’ « InterForai­n » daté du 3 septembre 1987. Grâce à Jacques Chirac, alors maire de Paris et Premier ministre de François Mitterrand, Marcel Campion obtient ses premiers emplacemen­ts à Paris.
 ??  ?? Tradition. Le forain (au milieu) lors de la reprise de la Foire du Trône, en 1964.
Tradition. Le forain (au milieu) lors de la reprise de la Foire du Trône, en 1964.

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