Le plan de Wauquiez pour la droite
Défi. Candidat presque déclaré à la tête des Républicains, Laurent Wauquiez reste très discret sur la ligne qu’il adoptera. Enquête.
Rideaux fermés, lumière tamisée, photo de Nicolas Sarkozy au mur. Le 27 juin, dans l’ambiance feutrée de Rebellato, restaurant italien du 16e arrondissement où l’ancien chef de l’Etat a ses habitudes, son héritier autoproclamé est venu prendre un cours de sarkozysme version 2007. « Il faut que tu fasses comme moi si tu veux gagner, il faut que tu rassembles, que tu ouvres tes bras. Tu ne peux pas gagner uniquement avec Sens commun » , lui a expliqué l’expert en candidature, accompagné de son éternel fidèle, Brice Hortefeux. L’avant-veille de leur déjeuner au sommet, Xavier Bertrand flinguait Laurent Wauquiez dans Le JDD, l’accusant de « courir derrière l’extrême droite » .
Dans la longue liste des ténors à qui Laurent Wauquiez demande – ou fait mine de demander – des conseils pour devenir président du parti, Nicolas Sarkozy figure sans aucun doute en tête. De là à imaginer que l’ancien président puisse faire un geste public en faveur de Wauquiez… « Il n’y aura pas de message envoyé par Sarkozy, il veut sortir de la politique politicienne » , assure-t-on Rue de Miromesnil. « Sarko est derrière lui, bien sûr, mais c’est un peu par défaut étant donné qu’il n’y a personne d’autre de crédible » , embraie une élue proche de l’ancien chef de l’Etat. Toujours est-il que les deux hommes entretiennent un contact « au moins hebdomadaire » , dixit un membre de l’équipe de l’ex-mi- nistre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.
Après avoir recueilli ces conseils avisés, le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes s’est empressé, ces quinze derniers jours, de les mettre en pratique. « Il est dans une logique de consultation pour se constituer une équipe. Il voit des gens, il passe beaucoup de coups de fil. C’est une étape logique avant de se lancer » , confie l’un de ses proches conseillers, qui aura désormais bien du mal à cacher que son champion prévoit de déclarer sa candidature pour le parti le 3 septembre lors sa traditionnelle ascension du mont Mézenc. Depuis la fin de la présidentielle, ils ont tous reçu au moins un coup de fil. Ses soutiens déclarés, bien sûr, comme Eric Ciotti ou Georges Fenech, qui n’ont aucun doute sur sa volonté et n’attendent que le top départ pour se lancer eux aussi dans la bataille. Mais également les tauliers de l’aile modérée, Alain Juppé et Christian Estrosi. « Wauquiez a eu la délicatesse de l’appeler à quelques jours du bureau politique, mais Estrosi lui a bien fait comprendre que, tant que le parti restait enfermé dans des règlements de comptes, ses conseils ne lui seraient pas très utiles » , souffle-t-on dans l’entourage du maire de Nice, que l’on dit très remonté par la ténacité de la « droite Trocadéro » et de ses liens actifs avec Sens commun, qui a selon lui « dénaturé la démarche des Républicains et l’esprit même du gaullisme » . N’en jetez plus !
Si Christian Estrosi, tout comme Valérie Pécresse et Xavier Bertrand, s’inquiète publiquement des posi- tions conservatrices de l’ambitieux Wauquiez, d’autres cherchent à en savoir davantage sur ses réelles intentions. Bruno Retailleau, notamment. Comme tout le monde, Wauquiez a lu dans la presse les hésitations du patron des sénateurs LR à se présenter contre lui à la présidence du parti et, même s’il sait ses chances de victoire minces, il regarde d’un mauvais oeil ce concurrent potentiel, symbole de son incapacité à rassembler. Les deux hommes ont en commun l’envie d’incarner une droite traditionnelle sur les questions sociétales. Et Wauquiez se méfie du discours rodé de l’ancien coordinateur de campagne de François Fillon, qui sait aussi bien que lui célébrer les racines de la douce France, avec les mêmes accents barrésiens.
« Caméléon ». Alors, pour déminer le terrain, le quadragénaire a pris soin d’organiser une rencontre, au matin du 11 juillet. « L’idée était de sceller une sorte de pacte de non-agression » , murmure un proche de Bruno Retailleau. Reçu dans les quartiers du sénateur de Vendée au 2e étage du palais du Luxembourg, sous le regard des portraits du maréchal de Lattre de Tassigny et de Georges Clemenceau qui ornent les murs du bur ea u , La u r e nt Wauquiez ne s’épanche pas en politesses. « Quel est ton projet ? » lance-t-il, à peine installé, au sénateur qu’il accuse en privé d’ « avoir rétréci François Fillon pendant la campagne, de l’avoir coupé de toute interférence extérieure » . Face à cet audacieux cadet, Retailleau reste prudent. « Je n’ai pas fait mon choix, j’attends de m’être reposé » , lui répond-il, avant de le sonder à son tour sur la structure et surtout sur la ligne qu’il compte adopter une fois élu à la tête des