Le Point

Un « paternalis­me libertaire »

- PROPOS RECUEILLIS PAR ERWAN BRUCKERT PAR FABRICE D’ALMEIDA

Le débat autour de la revalorisa­tion de la réussite individuel­le est un thème bien de chez nous, et non pas une importatio­n des valeurs américaine­s. Le mot-clé derrière tout cela, c’est le vieux mot d’« effort ». Le seul emprunt aux Etats-Unis est cette influence sur Macron et ses collaborat­eurs de la théorie du nudge, ce petit coup de coude que l’on donne pour encourager à l’effort, idée empruntée à Cass Sunstein, un des théoricien­s du « paternalis­me libertaire ». Selon lui, il faut penser en même temps les réformes et la manière de les faire passer, trouver donc un mode d’incitation pour qu’elles soient acceptées. La réussite est le mode d’incitation trouvé par Macron pour habiller l’effort et revalorise­r le travail.

Mais l’habillage est risqué. Justifier la réussite individuel­le par la réussite collective, c’est très bien. La justifier par la réussite individuel­le seule, c’est un déficit de communicat­ion, même si, en parlant de l’école, en soulignant que 99 % des parents veulent la réussite de leurs enfants, il a réintrodui­t du « collectif ». Le tout est de donner l’impression qu’un consensus préétabli existe pour que chacun ait envie d’y contribuer. Car deux mécanismes fondamenta­ux régissent la vie publique : la force d’inertie et l’instinct grégaire, l’envie d’être inclus, reconnu. Dans sa communicat­ion, Macron aurait intérêt à englober davantage la part historique de la réussite collective dans notre pays. Sinon, il risque de ne pas être compris à gauche. Il y a d’autant plus intérêt que sa matrice idéologiqu­e est réformiste. Elle repose sur l’idée centrale qu’une société ne peut survivre sans un renouvelle­ment régulier de ses élites. Elle doit

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