La célébration des imbéciles
A quoi servent les commémorations ? A beaucoup de choses. Elles nous sont précieuses, accessoirement, pour ne pas oublier les stupidités qui circulent toujours. La dernière cérémonie en mémoire de la rafle du Vél’d’Hiv en est un bon exemple. On a ainsi entendu, ici et là, notamment dans les cercles proches des islamo-gauchistes, des protestations contre les propos d’Emmanuel Macron dénonçant les antisémites qui s’abritent derrière le paravent de l’« antisionisme ». Cette réalité, pourtant difficilement contestable (et déjà décrite par Manuel Valls), en agace visiblement certains. Tant mieux. Mediapart a ainsi regretté que l’on ne valorise pas assez un « antisio
nisme éclairé » … En cette époque où, sur les réseaux sociaux, antisémitisme, racisme et xénophobie savent si bien se faufiler, la mise au point de Macron était nécessaire. Toujours à propos du Vél’d’Hiv, d’autres critiques, mais souvent émises par les mêmes, ont visé la présence du Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, à la cérémonie. Celle-ci relèverait selon eux d’une « communautarisation » de la tragédie, qui aurait dû demeurer franco-française… Il paraît pourtant difficile de nier que la création de l’Etat d’Israël a quelque chose à voir avec la Shoah. Et le fait d’inviter Netanyahou n’empêche en aucun cas de contester – il y a largement de quoi – la politique de ce dernier, par exemple en Cisjordanie. Netanyahou était, à Paris, le représentant d’un pays intimement et douloureusement lié à ce qui s’est passé au Vél’d’Hiv les 16 et 17 juillet 1942. N’en déplaise aux ignorants, de plus ou moins bonne foi. Deux jours plus tôt, le 14 juillet, c’est une autre forme d’ânerie (mais pas sans rapport avec la première) qui se manifestait. Il s’agissait, cette fois-ci, de fustiger la présence de Donald Trump à notre fête nationale. Comme si cette invitation lancée au président des Etats-Unis, notre allié depuis 1778, valait acquiescement aux désastreuses clowneries de l’actuel hôte de la Maison-Blanche. L’antiaméricanisme, marqueur très efficace de bêtise, ne nous déçoit jamais. Quelques heures plus tard fusaient des cris indignés à propos de Valery Gergiev, génial musicien russe, à qui était confiée la direction de l’orchestre pour un concert sous la tour Eiffel. Le motif de la révolte ? Gergiev a joué l’an dernier pour les troupes russes dans les ruines de Palmyre, après une défaite de l’Etat islamique. Horreur ! La prestation de Gergiev vaudrait donc approbation des crimes de Bachar el-Assad ? Difficile de trouver un argument aussi absurde. Le musicien est également vilipendé pour avoir joué (en 2008) au milieu de ruines en Ossétie du Sud, territoire qui a fait sécession de la Géorgie. Petit rappel des faits : ces ruines-là étaient le fait de bombes géorgiennes. Autre rappel : Gergiev est ossète (du Nord). Quoi qu’il en soit, la proposition de conduire un orchestre aujourd’hui à Paris donne-t-elle quitus au Kremlin pour ses manoeuvres de déstabilisation – y compris armée – de la Géorgie ? Evidemment, non. Effectivement, le chef d’orchestre est un ami et soutien de Vladimir Poutine. Mais ce concert du 14 juillet vaut-il soumission, même musicale, à Moscou ? Tant qu’à faire, messieurs les censeurs, bannissez Chostakovitch des bacs de disquaire comme des sites de streaming : il a joué pour Staline ! Il manque sans doute une célébration à notre agenda : une journée nationale des sectaires, des ignorants et des bricoleurs de l’Histoire. Elle aura du succès