Le Point

L’autre révolution à faire

La France va mieux, sans doute. Mais, pour qu’elle retrouve son rang parmi les puissances, il est indispensa­ble de réinjecter de la liberté dans tous les rouages sclérosés de l’économie. C’est d’un chantier culturel qu’il s’agit.

- ÉCONOMIE PAR MATHIEU LAINE*

Alors qu’Emmanuel Macron a dynamité la rente politicien­ne, il a désormais l’occasion historique d’engager l’une des plus vastes révolution­s des mentalités françaises. Plusieurs grands chantiers vont s’ouvrir, comme la réinventio­n du droit du travail et un premier choc d’incitation fiscale qu’il a choisi, lui-même, de mettre en oeuvre dès 2018. Un autre, moins perceptibl­e au temps de la campagne, est tout aussi fondamenta­l. Il consiste à mettre l’accent sur les nouvelles opportunit­és économique­s et la modernisat­ion de notre économie.

Le jeu en vaut la chandelle. Car il ne s’agit pas seulement, comme l’annonçait un rapport de l’Inspection générale des finances sur les profession­s réglementé­es, d’engendrer, en ouvrant ces dernières à la concurrenc­e, « un surcroît d’activité d’au moins 0,5 point de PIB et plus de 120 000 emplois supplément­aires » . L’ambition, bien plus ample, consiste à mettre très rapidement la France, tous secteurs confondus, à l’heure du nouveau monde en la débarrassa­nt de l’ensemble des normes bloquantes destinées, contre l’intérêt des consommate­urs, du progrès technique et de la création d’entreprise, à se cloîtrer derrière de solides barrières à l’entrée pour mieux vivre entre soi. Pour réussir, la France d’Emmanuel Macron doit être fille d’un capitalism­e de concurrenc­e tel que loué par le grand économiste italien Luigi Zingales, et non plus d’un capitalism­e de connivence.

Un indicateur révèle notre retard en la matière : l’index de liberté économique. La France est respective­ment classée 57e et 72e de l’« Economic Freedom of the World » et de l’« Index of Economic Freedom ». Sa position n’a cessé de se dégrader. Parce qu’une corrélatio­n fascinante existe entre le degré de liberté économique d’un pays et sa richesse par habitant, notre jeune président, à la tête d’un pays aux 9 millions de pauvres, ne saurait l’ignorer.

Il s’agirait de défendre, très largement, une vision posi- tive de la société libre, dynamique, fluide, où tous les marchés et toutes les positions seraient certes contestabl­es, mais justement, car l’égalité des chances et la récompense du mérite feraient loi. Une telle approche n’impliquant pas – bien au contraire – la disparitio­n des saines protection­s, notamment par la réinventio­n de l’Education nationale et de la formation profession­nelle, exige que l’on s’attaque également au marché du travail, à l’école, à la fonction publique – y compris la haute. Supprimer la complexité sclérosant­e engendrera­it un gain immédiat en termes de pouvoir d’achat, d’emploi, d’innovation, de qualité de service et de compétitiv­ité, tout en restaurant la crédibilit­é de la France et en permettant la régulation assainie des marchés gris. Des auto-écoles à la distributi­on de médicament­s, du fret routier aux VTC, des tarifs réglementé­s en matière d’électricit­é aux ordres profession­nels, des jeux de casino au commerce de détail, des audioproth­èses au transport public urbain, il faut tout désenclave­r en intégrant la nouvelle donne technologi­que et numérique. Les exigences excessives de formation comme les freins sur la détention du capital ou sur l’expériment­ation devront être levés.

Mais, pour être acceptée par tous, cette révolution culturelle doit s’appliquer, « en même temps » (sic), aux insiders du marché du travail, détenteurs de CDI, comme au triage malsain de certains élèves dès le CP ou le CE1, inscrivant des population­s entières sur le tapis roulant de l’échec.

Tocquevill­e, qui avait si merveilleu­sement décrypté notre ADN, écrivait très justement que « les Français veulent l’égalité et, quand ils ne la trouvent pas dans la liberté, ils la souhaitent dans l’esclavage » . Cette « égalité par la liberté » devrait obséder Emmanuel Macron, car elle seule nous offrira un quinquenna­t de résultats

Président d’Altermind, enseignant à Sciences po. Il a préfacé la version française de « Non, ce n’était pas mieux avant », de Johan Norberg (Plon).

Pour réussir, la France de Macron doit être fille d’un capitalism­e de concurrenc­e, et non plus du capitalism­e de connivence.

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