Le Point

Pour Nicolas Rey

- Patrick Besson

Le nouveau livre de Nicolas Rey a paru pendant la foire aux élections primaires, présidenti­elle et législativ­es qui eut lieu dans notre pays entre l’hiver 2016 et le printemps 2017, série télé ayant capté toute l’attention des Français grâce à ses nombreux et incroyable­s rebondisse­ments. Quelques bons textes en ont alors profité pour se retirer des médias afin de faire jouir en catimini des lecteurs isolés, voire apolitique­s. J’ai lu « Des nouvelles de l’amour » (La Martinière, 16 €) entre la réception de Vladimir Poutine à Versailles par Emmanuel Macron et le discours de politique générale d’Edouard Philippe devant la Chambre des députés. C’est un ouvrage tout en grâce et en mélancolie, composé de belles peintures de caractères plutôt faibles. Il y a, chez Rey, du Proust à ses débuts et du Fitzgerald presque à la fin. Les Albertine ont reparu mais Gatsby n’est plus grand. L’écrivain est à la fois aiguisé comme un jeune rockeur et défait comme un lit. Mes confrères critiques littéraire­s ne sont pas avares de conseils, de recommanda­tions, d’ordres, voire d’admonestat­ions : il nous faudrait lire au plus vite – de toute urgence – les livres qu’ils ont aimés. A mon tour de dire : lisez Nicolas Rey ! Il sauvera votre été menacé par les romans à l’eau de rose, les pamphlets à l’eau de rosse et les thrillers à l’eau de vaiss e l l e q ue l e s é d i t e ur s affamés ont concoctés pour vous dans l’espoir de remplir leurs caisses vidées par les méventes du début d’année.

En moins de deux cents pages et en quelques mots passe dans « Des nouvelles de l’amour » notre époque pleine de trous. Nicolas est présent derrière chaque personnage qu’il agite dans son théâtre de pénombre. On l’entend parler et surtout soupirer. Il a l’obsession de l’amour comme son compagnon de beuverie à travers les siècles Gérard de Nerval. C’est un romantique classieux. Cet adolescent aux cheveux gris – 43 ans – est aussi un père pas peinard. Il fait la liste de tous les fils sages et convention­nels qu’il ne voudrait pas avoir et surtout le portrait de celui, bien déjanté, qu’il aimera : « Bonsoir, mon papa. Je suis venu avec deux copines pour tenter des expérience­s d’hypnose dans ma chambre. Tu savais que Freud prenait beaucoup de cocaïne ? Au fait, je me suis fait renvoyer du lycée. Mais rien d’important. Je vais arranger ça. Bonne soirée mon papa chéri. »

L’avant-dernière nouvelle – « Australie » – mériterait de figurer dans un recueil des plus belles nouvelles de langue française. C’est un récit tout en nuances et en précision, plein d’une vraie humanité sans larmes, des derniers jours d’un couple détruit et de la renaissanc­e amoureuse d’une femme de 50 ans. A la tête d’une oeuvre déjà étonnante par sa fluidité émue et sa clarté décontract­ée (une dizaine d’ouvrages parus depuis 2000 aux éditions Au diable Vauvert), Nicolas confirme, avec ce nouvel opus, sa place au premier rang de la classe littéraire française, même s’il préférerai­t sans doute s’asseoir au fond de la salle avec les cancres

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Nicolas Rey, un romantique classieux.

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