Le Point

Mon usine allemande à l’heure chinoise

Un an après le rachat du fleuron germanique Kuka par Midea, qui a suscité émotion et scepticism­e, tout le monde paraît rassuré. Enquête.

- PAR PASCALE HUGUES, ENVOYÉE SPÉCIALE À AUGSBOURG, EN ALLEMAGNE

«R egardez autour de vous ! Les choses n’ont pas bougé ! On ne cuisine pas des légumes au wok à la cantine ! » C’est par cette vanne que, chez Kuka, le constructe­ur allemand de robots industriel­s, on veut vous prouver que rien n’a changé depuis que Midea, le géant chinois de l’électromén­ager, a pris le contrôle du groupe il y a tout juste un an. Difficile d’imaginer, c’est vrai, dans ce bâtiment tout neuf avec son patio baigné de lumière, sa cantine design et ses ateliers paisibles régis par les règles du dialogue social à l’allemande, que ce groupe vient de traverser une tornade : le plus gros rachat de technologi­e allemande par un investisse­ur chinois.

Tout commence en mai 2016. Midea lance une OPA sur cette entreprise allemande de technologi­e de pointe nichée dans la jolie ville bavaroise d’Augsbourg. Le chinois propose 115 euros par action, soit 30 euros de plus que le cours de la Bourse officiel à l’époque. Une offre exorbitant­e estimée à 4,5 milliards d’euros. La grande majorité des actionnair­es se laisse vite séduire. Le 8 août 2016, Midea annonce détenir 94,5 % du capital de Kuka. L’affaire fait du bruit. Beaucoup de bruit. Il faut dire que Kuka n’est pas une petite pointure, mais une des dix premières entreprise­s allemandes de haute technologi­e et un leader mondial dans le domaine de la robotique. L’industrie automobile est son plus gros client. Les robots orange, la couleur de la maison, sont actifs sur les chaînes d’assemblage de Daimler (dont la marque Mercedes), Porsche, Audi, Volkswagen et BMW, mais aussi sur celles d’Airbus, dans l’agroalimen­taire et le bâtiment. Le groupe emploie 13 500 salariés à travers le monde, dont 3 500 à Augsbourg. Une société d’avenir qui s’est donné pour slogan : « Repenser le futur ».

Robot sensitif. Peut-on donc céder à un investisse­ur chinois un de ces joyaux qui font la force et la renommée de l’industrie allemande ? Car Kuka, c’est cent ans d’histoire made in Germany. Il suffit, pour s’en convaincre, de parcourir la salle d’exposition, véritable petit musée à la gloire de la maison, à l’entrée du siège social du groupe. En1898, Johann Josef Keller et Jakob Knappich fondent à Augsbourg une usine de fabricatio­n d’éclairages privés et publics. En 1906, Kuka (le nom est composé des premières lettres de Keller und Knappich Augsburg) diversifie ses activités et invente une nouvelle technique de soudage. En 1971, il conçoit la première chaîne de soudage équipée de robots pour Daimler-Benz. Avec le KR Titan, un robot industriel à six axes capable de charger 1 000 kilos, l’entreprise entre même dans le livre « Guinness des records ». Kuka est aujourd’hui un pionnier de l’« industrie 4.0 », cette quatrième révolution industriel­le qui marque le passage à une

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Avant l’orage. Angela Merkel et Till Reuter, le PDG de Kuka, à la foire de Hanovre, en avril 2016. Quelques semaines plus tard, le chinois Midea fera main basse sur cette fierté industriel­le allemande.

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