Docteur 100 000 volts
Adieu dépressions, migraines et autres douleurs chroniques. La stimulation transcrânienne du Dr Parain ferait des miracles…
Un stimulateur magnétique transcrânien à large champ, c’est un boîtier volumineux muni de deux boutons, d’un câble et d’une sorte de cuillère de la taille d’une petite poêle à frire. Quand le Dr Parain passe cette bobine sur la peau, elle émet des champs magnétiques, provoquant des picotements désagréables et transmettant un influx électrique qui agite les muscles, fait tressauter la main et se plier les doigts. Un effet proche, quoique moindre, de celui qu’on ressent en touchant la clôture électrique d’un pâturage. Ainsi décrit, pas de quoi fouetter un chat. Dominique Parain assure que, avec ce stimulateur, il soigne, peu ou prou, tout : les dépressions, les tremblements, les convulsions non épileptiques, les migraines, les paralysies, les douleurs chroniques, les hallucinations, la fibromyalgie, les troubles obsessionnels, les chocs émotionnels. Et bien plus encore…
Son cabinet se trouve au soussol d’une clinique privée de Rouen, où il consulte depuis son départ à la retraite du service de neurologie du CHU de la ville. A défaut de publier dans des revues médicales à comité de lecture, le médecin filme ses séances de stimulation magnétique. Et, pour convaincre des incroyables résultats obtenus par sa méthode, il montre ces enregistrements pour le moins troublants. Premier cas, une jeune fille paralysée. Incapable de tenir sur ses jambes, qui semblent être en caout- chouc, elle s’écroule lorsqu’on l’aide à se lever. Dans la vidéo suivante, la patiente marche, seule, bien droite. Suit un malade filmé endormi dans sa chambre. Soudain son corps se convulse, il s’arc-boute, se replie, il tremble, son corps devenu fou s’échappe, dansant par saccades au-dessus du matelas. Cette spectaculaire agitation dure de longues minutes. Soumis à des séances de stimulation magnétique, ce patient, venu de la Martinique, n’aurait plus jamais connu d’épisodes convulsifs. Vient ensuite une femme incapable de parler : les mots se bloquent au fond de sa gorge tandis que son visage est déformé par l’effort. Sa main, ratatinée comme une noix, ne peut tenir un stylo. Une fois la patiente passée sous le boîtier du Dr Parain, on la retrouve s’exprimant avec aisance et jetant d’une écriture déliée quelques phrases sur une feuille. Un homme, dont la figure est agitée de tics insoutenables, une jeune fille aux bras collés le long du torse que deux infirmiers ne parviennent pas à écarter d’un centimètre, un footballeur paralysé d’une jambe, une jeune fille dont le bras paraît mort depuis qu’elle a subi une prise de sang… Les séances de stimulation magnétique ne sont pas filmées, les séquences non datées. On est de fait contraint de faire confiance aux récits du neurologue en regardant sur son ordinateur, comme autrefois à la foire, des paralytiques qui gambadent, des malades libérés, miraculeusement transfigurés. L’appareil de stimulation magnétique transcrânienne à large champ coûte environ 5 000 euros. Il émet moins de 3 teslas au rythme de 1 hertz. La séance coûte 73,44 euros. Il arrive, dit son inventeur, qu’une seule suffise à accomplir des merveilles.
Neuropédiatre. Dominique Parain est normand, né à Elbeuf. Pédiatre, il suit un an de cours de psychiatrie puis soutient une thèse de troisième cycle en physique, mais échoue à l’agrégation de biophysique. Hasard de la médecine, moins spécialisée qu’aujourd’hui, il arrive au service de neurologie du CHU de Rouen, où il exerce comme praticien hospitalier pendant trente-deux ans. « Un très bon neuropédiatre, un excellent médecin », dit de lui le Pr Jacques Weber, qui fut son supérieur. Dominique Parain est intrigué par les malades, très nombreux, qui consultent pour des troubles fonctionnels alors que les examens du cerveau et de la moelle épinière ne révèlent aucune lésion. Des hommes, des femmes qui ne marchent plus, ne peuvent plus se servir de leurs bras, de leur gorge, bien qu’aucun organe ne soit atteint ni même aucune zone de leur cortex. A cette époque, le neuropédiatre voit des patients au service des urgences neurologiques vers lequel sont dirigés des accidentés de la route. Un outil – le stimulateur transcrânien à large champ – sert au diagnostic. Appliqué sur le crâne, le champ magnétique envoie du courant électrique à très faible intensité. Ainsi les
médecins identifient la zone abîmée. Si, par exemple, la jambe gauche ne répond pas à l’influx électrique passé dans tout le corps, c’est là qu’il faut chercher une lésion. La version moderne du marteau réflexe… Dominique Parain note que, lorsqu’il vérifie ses mesures ou quand il passe une seconde fois les malades sous le stimulateur, il découvre – parfois – qu’une zone qui ne répondait pas s’agite. Il prend l’initiative de passer ces accidentés à plusieurs reprises sous la bobine, et d’envoyer partout de l’électricité via le champ magnétique. Surprise, certains invalides retrouvent l’usage de leurs membres. En répétant les stimulations, le neurologue observe que « les anomalies de la connectivité » refluent. L’outil de diagnostic devient un instrument thérapeutique.
Dans le service sont également suivis des malades dits « incongruents », c’est-à-dire atteints de troubles psychogènes non expliqués, « ce qu’on appelait autrefois des hystériques », précise le Dr Parain, et que les médecins mal lunés prennent volontiers pour des simulateurs ou des incurables relevantdelapsychiatrie.Cespersonnes souffrent de crises d’angoisse invalidantes, d’épisodes d’agitation irrépressibles. Elles convulsent, perdent l’usage d’un membre, deviennent muettes ou aveugles, ou bien encore sont sujettes à des pertes momentanées de conscience. « Les neurologues n’aiment pas. Les psychiatres, eux, ne les soignent pas, ils préfèrent se perdre dans des thérapies infinies alors que les maux résistent », résume Dominique Parain. Il propose à ces naufragés de la médecine