Le Point

«La Fontaine, c’est de l’acupunctur­e» Erik Orsenna consacre un essai à La Fontaine, de ses « Fables » à ses contes galants, moins connus. Rencontre.

- PAR SOPHIE PUJAS

Connaît-on vraiment La Fontaine ? Erik Orsenna prend le pari de dépoussiér­er la statue du plus aimé des fabulistes avec « La Fontaine, une école buissonniè­re », où il manie érudition et légèreté. Né dans le sillage d’une émission diffusée cet été sur France Inter, son essai propose une succession d’échappées dans l’oeuvre et la vie du poète. On y découvrira quelques épisodes savoureux, d’un cocuage accepté de bonne grâce à de spectacula­ires confession­s publiques en passant par ses difficulté­s pour devenir académicie­n. En amoureux de la langue, Orsenna tient à la faire résonner, citant abondammen­t le poète. Une plongée bienvenue pour une oeuvre qui n’a rien perdu de sa verve. Orsenna nous raconte son La Fontaine.

Le Point : Pourquoi revenir au Grand Siècle avec La Fontaine, vous qui aviez déjà consacré un ouvrage à Le Nôtre ? Erik Orsenna :

J’ai toujours eu une passion pour La Fontaine. On l’ouvre au hasard et c’est un bonheur absolu, chaque fois. Il a beau être infiniment connu, on ne sait rien sur lui. C’est un personnage très effacé, alors même que sa vie est passionnan­te ! On connaît peu, par exemple, son rôle de maître des eaux et forêts, pourtant en lien direct avec sa poésie, ou encore sa pauvreté dans un monde sans droits d’auteur – qui est peut-être d’ailleurs celui vers lequel on se dirige ! J’admire l’immense acteur de la métamorpho­se de la langue. Avec lui, le français est à la fois extraordin­airement précis et très libre. C’est de l’acupunctur­e : il cherche les points d’énergie de la langue et plante ses mots comme autant de petites aiguilles. Moi qui déteste le flou, je trouve sa concision merveilleu­se. Je vous mets au défi de ne pas sourire lorsqu’il parle par exemple d’une femme « douce d’humeur et gentille de corsage »…

La Fontaine est un cas rare, dans l’histoire littéraire, de popularité immédiate et jamais démentie. Comment l’expliquer ?

Je crois qu’il parle à tous les âges. Un grand moraliste, c’est quelqu’un qui condense en quelques

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« La défense de la lecture, c’est ma vie et ma conviction absolue. On s’élève en lisant. Je veux tout faire pour que les gens aient, grâce aux livres, plus de vies que leur vie : plus intense et multiple. »
 ??  ?? Foisonnant. Romancier, Prix Goncourt en 1988 pour « L’exposition coloniale », élu à l’Académie française en 1998, Erik Orsenna est aussi passionné par la mer et les voyages.
Foisonnant. Romancier, Prix Goncourt en 1988 pour « L’exposition coloniale », élu à l’Académie française en 1998, Erik Orsenna est aussi passionné par la mer et les voyages.

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