«La Fontaine, c’est de l’acupuncture» Erik Orsenna consacre un essai à La Fontaine, de ses « Fables » à ses contes galants, moins connus. Rencontre.
Connaît-on vraiment La Fontaine ? Erik Orsenna prend le pari de dépoussiérer la statue du plus aimé des fabulistes avec « La Fontaine, une école buissonnière », où il manie érudition et légèreté. Né dans le sillage d’une émission diffusée cet été sur France Inter, son essai propose une succession d’échappées dans l’oeuvre et la vie du poète. On y découvrira quelques épisodes savoureux, d’un cocuage accepté de bonne grâce à de spectaculaires confessions publiques en passant par ses difficultés pour devenir académicien. En amoureux de la langue, Orsenna tient à la faire résonner, citant abondamment le poète. Une plongée bienvenue pour une oeuvre qui n’a rien perdu de sa verve. Orsenna nous raconte son La Fontaine.
Le Point : Pourquoi revenir au Grand Siècle avec La Fontaine, vous qui aviez déjà consacré un ouvrage à Le Nôtre ? Erik Orsenna :
J’ai toujours eu une passion pour La Fontaine. On l’ouvre au hasard et c’est un bonheur absolu, chaque fois. Il a beau être infiniment connu, on ne sait rien sur lui. C’est un personnage très effacé, alors même que sa vie est passionnante ! On connaît peu, par exemple, son rôle de maître des eaux et forêts, pourtant en lien direct avec sa poésie, ou encore sa pauvreté dans un monde sans droits d’auteur – qui est peut-être d’ailleurs celui vers lequel on se dirige ! J’admire l’immense acteur de la métamorphose de la langue. Avec lui, le français est à la fois extraordinairement précis et très libre. C’est de l’acupuncture : il cherche les points d’énergie de la langue et plante ses mots comme autant de petites aiguilles. Moi qui déteste le flou, je trouve sa concision merveilleuse. Je vous mets au défi de ne pas sourire lorsqu’il parle par exemple d’une femme « douce d’humeur et gentille de corsage »…
La Fontaine est un cas rare, dans l’histoire littéraire, de popularité immédiate et jamais démentie. Comment l’expliquer ?
Je crois qu’il parle à tous les âges. Un grand moraliste, c’est quelqu’un qui condense en quelques