Le Point

Les Guérard, empereurs d’Eugénie

Vivifiant. Michel et Christine Guérard font briller depuis quarante ans 3 étoiles dans les Landes.

- PAR THIBAUT DANANCHER

Il ne change pas. Le même, coiffé de ses perpétuels cheveux poivre et sel, sourire toujours aussi malicieux. Coquin comme pas deux. Eternel plaisantin à l’âme de gamin. Le temps passe mais sur lui les années s’effacent. Il a beau avoir soufflé ses 84 bougies le 27 mars, il paraît plus jeune que jamais. « Impossible de vous dire mon âge, il change tous les jours », s’amuse-t-il en paraphrasa­nt Alphonse Allais tout en croquant une pomme au milieu de son jardin d’Eden niché à Eugénie-les-Bains.

Sacré Michel Guérard ! Trublion culinaire : d’abord chef pâtissier au Crillon et au Lido à Paris, puis cuisinier aux commandes du Pot-au-feu, à Asnières, avant d’atterrir la tête dans les 3 étoiles dans les

Landes en 1977. Quatre décennies passées au firmament à Eugénie-les-Bains à mettre la gastronomi­e française sur le devant de l’assiette pour qu’elle tienne le haut de la casserole sur la planète. Lui, le gamin de Vétheuil, dans le Val-d’Oise, fils de bouchers-éleveurs, auteur de best-sellers avec sa « Grande cuisine minceur » et sa « Cuisine gourmande », qui se sont écoulés à plus de 1 million d’exemplaire­s, et qui fit la une de Time en février 1976 sous le titre « The New Gourmet Law : Hold the Butter », comprenez « La nouvelle loi gastronomi­que : oubliez le beurre ». Meilleur Ouvrier de France 1958 qui pourrait parader fièrement comme un coq en salle en bombant de la crête avec son col bleu blanc rouge et qui préfère se faufiler discrèteme­nt entre les tables, drapé dans sa sempiterne­lle veste d’un blanc immaculé. L’humilité comme langage de vérité…

Duo. Une partition à quatre mains jouée en compagnie de sa femme, Christine, « ma pygmalionn­e », héritière de la Chaîne thermale du soleil, qui l’a accueilli en 1974 dans son « petit paradis » où les palmiers et les bananiers dressés à l’entrée lui ont réservé une haie d’honneur à son arrivée. « Les Prés d’Eugénie, c’est l’histoire merveilleu­se d’une vie à deux », confie les yeux brillants l’un des fondateurs de la nouvelle cuisine avec sa salade folle en couvant tendrement du regard son épouse. « Ma mère m’a trempé dans la beauté ! Avec mon mari, nous avons reproduit le bonheur de l’enfance. Celui d’un havre de paix bercé par la grâce, d’un doux refuge qui s’épanouit au rythme des quatre saisons », raconte celle qui se définit comme une « maîtresse de maison ».

Michel et Christine Guérard, duo passionnan­t et passionné, ont bâti une légende avec leurs « 180 virtuoses dans l’art de recevoir » sur les terres de l’impératric­e Eugénie, épouse de Napoléon III. Les amphitryon­s, aussi propriétai­res du château vinicole de Bachen à Duhort-Bachen, en plein coeur du Tursan, et des Maisons marines

d’Huchet à VielleSain­t-Girons, au bord de l’Atlantique, sont désormais entourés de leurs deux filles, Eléonore, 33 ans, et Adeline, 31 ans, et de leur gendre Jauffray. Un passage de témoin pour des témoins de passage. Le quintette fait le bonheur des hôtes de cet irréel Relais & Châteaux s’étirant sur 15 hectares de verdure où serpente la rivière du Bahus. Un domaine bucolique sorti tout droit d’un décor féerique peuplé d’oiseaux, d’animaux sauvages, de jardins odorants, d’une farandole de fleurs, de voiles d’eaux, d’une piscine, de potagers et de prairies. L’écrin abrite aujourd’hui une multitudee de joyaux : Les Prés d’Eugénie, Le Couventven­t des herbes, une ancienne bâtissee du XVIIIe siècle entièremen­t restaurée ; l’Auberge et le Logis de la Ferme aux Grivesves ; la Maison rose ; le Spa de la Ferme therhermal­e ; les salons et suite de l’aile de l’Impémpérat­rice ; l’Institut Michel-Guérard d ; le Loulou’s Lounge Bar ; le Café Mère-Poule… ule…

Depuis plus de quarante ans, le monde onde entier fait le voyage jusqu’à Eugénienie­les-Bains pour savourer la cuisine naturaural­iste intemporel­le du maestro des fourournea­ux qui a vu défiler dans sa brigadeade Alain Ducasse, Michel Troisgros,, Sébastien Bras, Gérald Passédat, Arnaud Donckele, Arnaud Lallement… Dans son antre, Michel Guérard fait danser les légumes, les poissons, les crustacés, les volailles et les viandes sur les braises ardentes. « Ici, on cuit, on rôtit, on fume, on grille, on mijote », s’enflamme le fidèle complice de Paul Bocuse, de Pierre et Jean Troisgros, d’Alain Chapel, de Paul Haeberlin et de Roger Verger.

Ses plats signatures ? L’oeuf de poule au caviar à la coque, chaud-froid de pommes de terre sous la cendre ; le zéphyr de truffe « surprise exquise » comme un nuage sur une délicate vichyssois­e ; l’oreiller moelleux de mousserons et de morilles aux asperges du pays, une symphonie végétale et soyeuse ; le saumon « en papier » relevé d’une nage au maïs praslin, légumes joujoux de jardin ; le homard rôti, légèrement fumé à la cheminée, oignon confit au four ; la rissole feuilletée de tendre pigeonneau au foie gras grillé et farce fine ; le gâteau mollet du marquis de Béchamel et la glace fondue à la rhubarbe, un compromis sensuel entre soufflé et crème renversée ; le soufflé époustoufl­ant rafraîchi aux agrumes de nos serres. Des mets subtilemen­t impertinen­ts qui ont traversé le XXe siècle avec le flegme d’un lord anglais en ré récoltant la joyeuse révérence des gourmet mets-gourmands. Des délices poétiques qui f feront chavirer vos pupilles et vos papille pilles… Les Prés d’Eugénie, 334, rue René-Vielle, Eug Eugénie-les-Bains (Landes). 05.58.05.06.07. Men Menus : 130, 195, 245 €. Carte : de 100 à 215 €. Chambres : de 270 à 1 200 €.

« Ici, on cuit, on rôtit, on fume, on grille, on mijote. » Michel Guérard

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 ??  ?? La grande maison des Prés d’Eugénie, à Eugénie-les-Bains, une demeure coloniale du XVIIIe siècle réenchanté­e par Michel Guérard et son épouse, Christine. « Les Prés d’Eugénie, c’est l’histoire merveilleu­se d’une vie à deux », dit-il.
La grande maison des Prés d’Eugénie, à Eugénie-les-Bains, une demeure coloniale du XVIIIe siècle réenchanté­e par Michel Guérard et son épouse, Christine. « Les Prés d’Eugénie, c’est l’histoire merveilleu­se d’une vie à deux », dit-il.
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 ??  ?? OEuf de poule au caviar à la coque ; saumon « en papier » relevé d’une nage au maïs praslin, légumes du jardin ; homard rôti, légèrement fumé à la cheminée, et son oignon confit au four ; soufflé rafraîchi aux agrumes… Michel Guérard sait émoustille­r...
OEuf de poule au caviar à la coque ; saumon « en papier » relevé d’une nage au maïs praslin, légumes du jardin ; homard rôti, légèrement fumé à la cheminée, et son oignon confit au four ; soufflé rafraîchi aux agrumes… Michel Guérard sait émoustille­r...
 ??  ?? Ambiance maison de famille dans la salle du restaurant gastronomi­que. Toutes les chambres de la grande maison rendent hommage à l’impératric­e Eugénie, épouse de Napoléon III.
Ambiance maison de famille dans la salle du restaurant gastronomi­que. Toutes les chambres de la grande maison rendent hommage à l’impératric­e Eugénie, épouse de Napoléon III.
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