Edward Luce : la fin du libéralisme occidental ?
Le chroniqueur du « Financial Times » vient de publier « The Retreat of Western Liberalism » (Little, Brown), qui fait événement. Pour lui, la démocratie libérale est en danger de mort.
Novembre 1989. Edward Luce, étudiant à Oxford, fonce vers Berlin pour s’enivrer de champagne et d’optimisme historique. La chute du Mur annonce l’universalisation du progrès, « cette croyance qui est la chose la plus proche que l’Occident moderne ait comme religion » . Novembre 2016. Trump vient d’être élu et Luce est invité à une conférence à Moscou sur un « ordre mondial multipolaire » en compagnie de Poutine. Comment la démocratie, qui semblait irrésistible, non seulement n’a pas réussi à convertir Pékin ou Ankara, mais doit faire face à de plus en plus d’apostats au sein même des Etats-Unis comme en Europe ? Dans son passionnant « The Retreat of Western Liberalism » (Little, Brown), ce chroniqueur du Financial Times basé à Washington se penche au chevet d’un libéralisme occidental « plus
proche de l’effondrement que nous souhaiterions le croire » . Quand un membre de l’élite dresse un diagnostic aussi glaçant, c’est que l’heure est peut-être grave. Entretien exclusif. Le Point : Vivons-nous la plus grande crise du libéralisme depuis la Seconde Guerre mondiale ?
Edward Luce : Il y a eu des moments lors de la guerre froide où les démocraties occidentales étaient très vulnérables. Mais le pacte de Varsovie a eu pour effet d’unifier l’Ouest et de l’encourager à se soucier de ses habitants. Parce que deux modèles étaient en compétition, nous devions donner une réalité concrète à notre idéologie libérale. Aujourd’hui, nos problèmes nous divisent de l’intérieur. Depuis dix ans, 25 démocraties, dont la Russie, la Turquie ou le Venezuela, ont connu un net recul.